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EMC13:58Publié le 11/10/2021

Les clés de la laïcité (version longue)

Les clés de la laïcité

Les « Clés de la laïcité » permettent une approche complète et dépassionnée de la laïcité. Cette série va t'expliquer ce principe important en France en la replaçant dans notre époque et son actualité.

Revenir aux origines de la laïcité

Les professeurs, les hommes politiques, les journalistes ont tous ce mot à la bouche comme si c’était une punition, une case dans laquelle on voudrait faire entrer tous les français et tous les étrangers qui vivent en France. Beaucoup ne savent pas bien ce qu’il y a dedans, ni à quoi ou à qui elle sert. Bref, pour bien comprendre la laïcité, il faut comprendre et mettre en avant un principe tout simple : la distinction entre la croyance et la connaissance.

Un retour en arrière s’impose : Par exemple, nos lointains ancêtres sacrifiaient toutes sortes d’animaux lors de cérémonies parce qu’ils croyaient qu’il fallait contenter les dieux afin d’obtenir de bonnes récoltes. Mais pour obtenir de bonnes récoltes, les êtres humains ont surtout fait des expériences et des recherches. Petit à petit, leurs connaissances leur ont permis de se rendre compte que le sacrifice d’une chèvre avait moins d’influence sur la récolte que par exemple, de creuser une rigole pour irriguer les cultures. Ils ont donc irrigué les champs et continué à sacrifier des animaux parce que le rite les rassurait, les unissait, et c’était l’occasion de faire de belles fêtes.

Au fil des siècles, des philosophes et des scientifiques commencèrent à se demander si l’on pouvait étudier la nature en l’observant pour savoir comment elle fonctionnait, quitte à remettre en question ce qu’en disaient les religions. L’un d’eux était un philosophe et un savant musulman du XIIe siècle appelé Averroès.

Distinguer la croyance de la connaissance

Il ne doutait pas que Dieu ait créé le Monde, mais il considérait que ce n’était pas une raison pour ne pas étudier comment tout cela marchait. Cette façon de voir ne plut pas du tout aux autorités religieuses. Averroès est l’un des premiers savants à avoir voulu distinguer la croyance de la connaissance.

Des siècles plus tard, le chanoine Copernic, puis l’italien Galilée démontreront à force de calculs que ce n’est pas le soleil qui tourne autour de la Terre, mais bien la Terre qui tourne autour du soleil, autrement dit que nous ne sommes pas le centre de l’univers comme les religions l’expliquaient à cette époque. Les deux étaient croyants, mais ont su faire la différence entre croyance et connaissance ce qui alors n’était pas du tout du goût de l’Eglise.

Plus tard encore, des philosophes français comme Descartes, Rousseau puis Voltaire, estimeront sur les traces d’Averroès et de Galilée que la science et la raison doivent être mises en avant et que chaque Homme doit pouvoir aussi réfléchir par lui-même et pourquoi pas s’il le veut ne pas croire en Dieu. Petit à petit, la connaissance a donc pris le pas sur la croyance mais celle-ci reste nécessaire pour beaucoup d’hommes et de femmes.

Personne ne peut être empêché ou obligé de croire

Aujourd’hui, quand un croyant est malade, il prie son Dieu, lui demande de le guérir, mais il n’oublie quand même pas de se soigner selon les règles de la science. La foi, la religion ont aujourd’hui d’autres fonctions que d’expliquer le monde. Au fond, chacun se débrouille dans sa vie personnelle pour accorder la place qu’il entend à la croyance et à la connaissance. Personne ne peut être empêché ou obligé de croire, et c’est tant mieux.

La laïcité n’est pas un objectif en soi, comme peuvent l’être la liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité est une méthode établie pour que des citoyens différents puissent vivre ensemble et que ces 3 mots, liberté, égalité, fraternité, soient une réalité.

La laïcité, une loi votée en 1905

Depuis qu’elles existent, les religions ont un pouvoir politique, elles contribuent à l’organisation de la société. En France, depuis que Clovis s’est fait baptiser il y a plus de 1500 ans, ça allait de soi, la France était chrétienne et l’Eglise avait toute sa place auprès du roi pour diriger la société.

Plus tard, les penseurs des Lumières face à l’obscurantisme religieux affirmèrent la nécessité de l’émancipation de l’individu par un esprit libre.

Lors de la Révolution française, le peuple voulut se libérer de la noblesse, de la royauté et de l’Eglise pour imposer la République. Malgré cela, pendant plus d’un siècle, quelque soient les régimes politiques, la querelle sur la place de la religion a continué, et ce jusqu’à la IIIe République au cours de laquelle ont été votées de grandes lois républicaines pour définitivement tourner la page de l’Ancien Régime.

La séparation de l'église et de l'Etat

La plus importante est la loi de 1905 que l’on appelle loi de séparation des Eglises et de l’Etat. A l’époque, il s’agissait surtout de contenir l’Eglise catholique qui s’opposait à beaucoup de lois républicaines et voulait revenir à la monarchie. Certains parlementaires radicaux voulaient même jusqu’à aller interdire carrément l’Eglise catholique. Après de longs débats à l’assemblée, des bagarres et des manifestations très violentes entre les partisans de la séparation et les militants catholiques, le député Aristide Briand proposa un texte d’équilibre. Ce texte assure jusqu’à aujourd’hui le droit aux croyants de pratiquer la religion qu’ils veulent et aux autres le droit de ne pas croire. L’Etat n’a plus de religion et doit se montrer parfaitement neutre. C’est la raison pour laquelle on dit qu’en France, il n’y a qu’une communauté de citoyens libres et égaux devant la loi de la République, c’est plus simple. Bien sûr, les communautés existent de fait, et c’est ce qui constitue un peu chacun d’entre nous, qu’il s’agisse d’une pratique religieuse, alimentaire, une origine géographique, une identité locale, des idées politiques, une orientation sexuelle, d’une passion pour un club de foot, ou pour décorer sa voiture, on fait tous partie d’une ou de plusieurs communautés d’une égale importance. Chacun est un mélange de croyances, pas que religieuses d’ailleurs, et de connaissances.

La laïcité, une méthode faite pour nous rassembler

Depuis 1905, tout ça a bien évolué. Aujourd’hui, parce que l’on a moins confiance dans les pouvoirs publics, ou que l’on se sent menacé par la crise économique et sociale, on a tendance à se regrouper entre nous et cela va au-delà des religions, les réseaux sociaux n’y sont pas pour rien d’ailleurs. Le sentiment de communauté n’est pas un problème en soi tant que les règles ne défient pas les lois de la communauté nationale.  Mais la laïcité n’est pas responsable de la colère et des inégalités qui abîment la promesse républicaine, c’est une méthode faite pour nous rassembler.

Savoir différencier les choses 

L’espace public, c’est la rue, les commerces, un service public, c’est la mairie, la police, et enfin l’école publique est un espace particulier. La laïcité dans le service public impose aux fonctionnaires qui représentent l’Etat de rester neutres. Ils ne peuvent afficher de quelque manière que ce soit ni discours, ni attributs politiques ou religieux. Vous imaginez un policier vous conseillant d’aller allumer un cierge pour retrouver plus vite votre voiture volée ?

Dans la rue, dans un magasin, dans le bus, n’importe où ailleurs, c’est-à-dire dans l’espace public, chacun s’habille exactement comme il veut, moche ou pas, à la mode ou ringard, court ou long, avec un voile, une kippa, voire les deux à la fois, rien n’est interdit sauf les extrêmes, comme se promener tout nu, ou complètement dissimulé. Le voile est donc tout-à-fait possible en France, sauf à l’école, on y arrive. Seulement, parfois, il peut susciter des réactions hostiles de la part d’une partie de la population. Il peut être vu par certains comme un objet sexiste, car il est obligatoire dans des pays où la femme est privée de nombreux droits. Il est utilisé comme un étendard par des extrémistes religieux ou parfois cité en exemple par des racistes qui voudraient que les musulmans soient invisibles en France. Bref, malheureusement, le voile est souvent instrumentalisé.

Pourquoi l’école publique doit-elle être un lieu de neutralité ?

En entrant en classe, on laisse ses croyances de côté pour se consacrer aux connaissances et se construire comme citoyen libre et conscient. A l’école, on y apprend la possibilité du choix et de l’émancipation, on apprend la mixité, la théorie de l’évolution, les vérités factuelles, les mêmes matières et de la même manière pour tout le monde. L’école enseigne la liberté de croire ou de ne pas croire, mais surtout la liberté de pensée.

En 2004, les députés ont décidé que les élèves du primaire, du collège et du lycée devaient respecter cette neutralité pour laisser le champ libre à l’apprentissage des connaissances. A la cantine aussi on laisse ses croyances à l’extérieur. Bien sûr, il y a beaucoup d’interdits alimentaires que certains souhaitent suivre, parce qu’elle est neutre, la cantine ne peut pas se plier à des recommandations religieuses, mais elle les respecte, et des alternatives sont proposées pour que tout le monde se régale et puisse déjeuner ensemble.

L’histoire de notre pays

Il reste bien sûr des traces de la plus ancienne religion française dans le paysage et l’organisation de notre vie collective, mais c’est l’histoire de notre pays. Le calendrier que nous utilisons a été établi par les chrétiens, c'est le dimanche que l’on ne travaille pas, on parle des vacances de Pâques, ou du pont de la Toussaint.

Les révolutionnaires de 1789 avaient même voulu rompre avec ce calendrier, inventer de nouveaux mois et faire débuter l’an 1 en septembre 1792. Ça n’a pas tenu. Le calendrier n’est plus chrétien, à l’usage il est devenu celui de tout le monde dans de nombreux pays, un peu comme les chiffres inventés par les Arabes qui sont utilisés partout dans le monde, c’est quand même plus pratique.

Aujourd’hui, alors que la composition de la population française a beaucoup évolué, avec plusieurs vagues d’immigration qui font notre histoire, que les échanges se sont mondialisés, la laïcité est le cadre pour que chaque religion puisse vivre sur notre territoire sans se faire concurrence, en se respectant. Tout n’est pas parfait, loin de là, mais la laïcité n’y est pour rien.

La laïcité, caricature et blasphème

Être libre de croire ou de ne pas croire, cela pose aussi la question du blasphème qui est pour un croyant le fait de manquer de respect aux dogmes religieux. Le délit de blasphème n’existe plus en France puisque la République est neutre, et que les règles religieuses ne la regardent pas. L’idée de supprimer le délit de blasphème vient des philosophes des Lumières que sont Rousseau, Diderot et Voltaire.  

Une histoire en particulier avait marqué les révolutionnaires, l’histoire du chevalier de La Barre : il s’agit d’un jeune homme qui avait eu l’audace de chanter des chansons se moquant des religieux, et de garder son chapeau au passage d’une procession. Il fut condamné à avoir la langue tranchée, puis à être décapité, puis brûlé, on n’est jamais trop prudent. A cette époque, l’Eglise catholique au pouvoir défendait une vision très rigoriste. Voltaire qui a défendu avec acharnement le chevalier de La Barre estimait que les hommes et les femmes devaient avoir le droit de croire ou de ne pas croire et la liberté de l’exprimer. Comme tous les philosophes des Lumières, ils faisaient une distinction entre croyance et connaissance et renvoyaient la croyance à la sphère personnelle pour que chacun soit libre de trouver sa place en société.

En 1881 sous la IIIe République, on vote la grande loi sur la liberté de la Presse. Les caricaturistes de l’époque s’en donnent à cœur joie. 25 ans avant la loi de séparation des églises et de l’Etat, on aborde à l’assemblée la question du blasphème. Les débats sont très violents, parce qu’à l’époque il y a de nombreux députés affiliés à ce que l’on appelait le parti catholique. A l’évêque d’Angers qui veut interdire le blasphème et qui invoque la blessure des catholiques outragés, Georges Clémenceau répond : « Dieu se défendra lui-même, il n’a pas besoin pour cela de la chambre des députés. Depuis cette grande loi, et même avant, il y a une tradition française de la satire et de la caricature.

Qu’est-ce qu’une caricature ?

C’est déformer et exagérer la réalité dans un dessin ou un texte pour faire rire ou réfléchir. Une caricature n’est pas une insulte, même si elle n’est pas toujours drôle, c’est une tentative de mettre en lumière les excès d’un pouvoir, qu’il soit religieux, politique, ou financier, pour rappeler à ceux qui en abusent que leur pouvoir ne peut être absolu. Hara-Kiri, Charlie Hebdo, ou le Canard Enchaîné sont des descendants des caricaturistes du XIXe siècle et du chevalier de La Barre. Pendant des années, ces journaux se sont moqués des évêques et du pape qui refusaient toutes les évolutions en matière de meurs, mixité, divorce, contraception, avortement. Pour faire avancer les débats, ces journalistes et dessinateurs utilisent l’humour. Depuis toujours, ils l’appliquent aux idées politiques, sociétales ou religieuses, et ils n’ont pas hésité à l’utiliser quand une partie de l’Islam s’est raidie, et a remis en cause parfois violemment les libertés fondamentales.

Au-delà du blasphème pour les croyants, les caricatures, qu’on les trouve drôles ou pas, nourrissent le débat d’idées.

Pour faire simple, le blasphème n’est pas un droit, mais on ne peut pas être puni par la loi pour ça. Ce sont des affaires de croyants, pas les affaires de l’Etat.

Ce qui est interdit, et que la loi sanctionne, ce sont les injures, ou la diffamation de personnes ou de groupes, ou les appels à la haine. La justice défend les citoyens, mais elle n’est pas là pour défendre ou faire respecter les idées religieuses. Toutes les idées peuvent être débattues, contestées, voire même moquées.

La laïcité est un outil qui comme tous les outils subit les influences de l’environnement politique, social et culturel, elle ne corrige pas les injustices et ne peut refaire l’histoire, mais doit garantir à tous les citoyens avec leurs croyances et leurs connaissances de pouvoir être libres, égaux, et fraternels.

👉 Continue ce dossier sur la laïcité.

 

Réalisateur : Olivier Marquézy

Nom de l'auteur : Thomas Legrand

Producteur : La Générale de Production

Année de production : 2021

Année de diffusion : 2021

Publié le 11/10/21

Modifié le 30/01/24

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