Une longue histoire
De tous temps, les algues échouées ou cueillies à marée basse furent exploitées par les populations littorales. On en a même retrouvé des cendres dans des foyers préhistoriques ! Le goémon des côtes bretonnes a remplacé dès le XIVe siècle le trop rare fumier des petites fermes du bord de mer. Au XVIIe siècle, l'industrie du verre a utilisé en grandes quantités les cendres d'algues riches en sels de sodium. Ainsi, la Manufacture royale de Paris, pour la fabrication du verre, obtint de Louis XIV l'exclusivité de l'exploitation des varechs et goémons sur toute une partie des côtes normandes.
Les algues fraîches ou séchées, riches en oligo-éléments et en protéines (par exemple, 65% du poids sec de l'algue spiruline est constitué de protéines), sont utilisées depuis longtemps pour l'alimentation humaine ou celle du bétail. Il existe encore de nos jours, sur une île des Orcades (au nord de la Grande-Bretagne), une race de moutons nourrie exclusivement d'algues ! Mais la plupart du temps, on enrichit le fourrage avec des algues sous forme de farine en différentes proportions. Ainsi, la Norvège produit la moitié de la production mondiale de farine d'algues, soit 15 000 tonnes/an à partir d'algues brunes récoltées.
Les algues sont également cultivées dans le monde entier (plus de 6 millions de tonnes) principalement pour faire face à la consommation humaine dans le sud-est asiatique. Par exemple, le nori, la feuille noire des célèbres sushis, est fait à partir d'algues rouges séchées. Saupoudrez-vous votre laitue de dulse, pioka ou nori ? Remplacez-vous vos haricots verts par des himanthales, qu'on appelle aussi haricots de mer ? Si oui, vous êtes une exception occidentale : la consommation annuelle directe d'algues d'un Français (quelques dizaines de grammes) correspond à ce que mange un Japonais en une journée !
Pourtant, chaque année, chacun d'entre nous absorbe l'équivalent d'un kilogramme d'algues fraiches... sans le savoir. Eh oui, souvent crèmes glacées, mayonnaise, pâtisseries et plats cuisinés contiennent des extraits d'algues qu'on peut identifier sous les noms de code E401 à E407 ! De quoi s'agit-il exactement ? On extrait des molécules complexes (polysaccharides) de la paroi des cellules des algues : les alginates, d'algues brunes (Ascophyllum nodosum, Fucus serratus); les carraghénanes, d'algues rouges (Chondrus crispus, Mastocarpus stellatus) et l'agar-agar, d'une algue rouge particulière (Gelidium sesquipedale). Ces molécules ont des propriétés gélifiantes et épaississantes tout en étant incolores, inodores et insipides. Parfait pour rendre la crème au chocolat onctueuse à souhait sans en changer le goût ! Mais les applications industrielles de ces molécules s'étendent bien au-delà de nos papilles. On les retrouve dans les boites de pétri des laboratoires de recherche, dans des produits cosmétiques (laits pour le corps, savons, shampoings, dentifrices, fixateurs de parfum...), dans des produits pharmaceutiques (enrobages de médicaments, des pansements gastriques...) et même dans des produits industriels divers tels que des adhésifs ou des peintures pour bâtiment ! On découvre toujours de nouvelles applications à ces molécules et on découvre aussi de nouvelles molécules. Ainsi, les fucanes d'algues brunes semblent présenter des propriétés anticoagulantes, anti-inflammatoires, antivirales voire antitumorales.
Pour finir, n'oublions pas de mentionner l'une des utilisations les plus agréables des algues : l'algothérapie. Un bon bain chaud aux algues ou un enveloppement du corps... Idéal pour la peau et le bien-être !