Elle subit aussitôt des revers décisifs aggravés par l’intervention contre elle de la Roumanie et… de la Turquie. Tout semble à recommencer. Le feu si péniblement éteint à Londres menace de s’étendre. L’Autriche, toute à son obsession de la Serbie, envisage sérieusement d’intervenir aux côtés de la Bulgarie. C’est l’Allemagne qui l’en dissuade. Le partage de la Macédoine n’est pas une affaire qui met en jeu ses intérêts, d’autant plus que la Russie est demeurée dans une certaine réserve et que la France et la Grande-Bretagne, comme pour la première guerre de 1912, ont tout fait pour appeler les États belligérants à la retenue et à la négociation. Les affaires balkaniques ont cependant révélé à quel point elles pouvaient bouleverser les équilibres européens et étaient susceptibles de conduire à un embrasement de l’ensemble du continent. Si l’Allemagne n’avait pas freiné son allié autrichien, les conséquences auraient pu être incalculables, l’intervention de Vienne entraînant en réaction celle de la Russie en faveur de la Serbie. Qu’auraient alors fait la France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne ?
Le traité signé entre les belligérants à Bucarest le 10 août 1913 scelle le sort de la Macédoine : la Grèce récupère le sud avec Salonique, la Serbie, le nord avec Skopje, la Bulgarie devant se contenter d’un tout petit morceau à l’est. Par ailleurs, la Roumanie récupère le sud de la Dobroudja enlevée à la Bulgarie. Quant à la Turquie, elle élargit la bande de territoire européen que lui a laissée le traité de Londres en récupérant Andrinople et la Thrace orientale.
Au début de 1914, la situation dans les Balkans semble stabilisée. Pour combien de temps ? Les équilibres restent précaires. L’Autriche s’est montrée durant ces deux crises offensive et intransigeante. Elle s’est opposée avec détermination aux objectifs nationaux serbes. L’Allemagne et la Russie ont su calmer leurs alliés respectifs, mais la tension entre Vienne et Belgrade est si forte qu’un nouvel incident pourrait mettre le feu aux poudres. En attendant, les hommes épris de paix préfèrent demeurer optimistes. Le vieux château de cartes européen est resté debout malgré les coups qui lui ont été portés. Les grandes puissances ont bien conscience qu’on ne peut s’en approcher que sur la pointe des pieds et en retenant son souffle. Que l’une d’elles l’oublie et c’est l’explosion. En juillet 1914, après l’assassinat à Sarajevo de l’héritier au trône d’Autriche, Vienne et Berlin ne sauront pas montrer la même retenue, entraînant l’Europe et le monde dans une guerre effroyable.