
Cet article est extrait du n° 196 de la revue DADA.
Un ogre féroce, un cheval ailé, un chien à trois têtes… Ce bestiaire fantastique se cache depuis près de 450 ans dans le « Parc des Monstres », un jardin effrayant construit en Italie.
Jardin de curiosités
Vicino Orsini n’est pas un prince ordinaire. Ce seigneur de la guerre a participé à maintes batailles, en Italie, en France et ailleurs. Mais les exploits guerriers ne sont pas sa tasse de cappuccino ! Comme bien des princes de la Renaissance, Orsini préfère l’art et la poésie. Alors un jour, au pied de son château, perché sur la colline de Bomarzo au nord de Rome, il fait aménager un jardin extraordinaire. C’est un chantier colossal, qui dure plusieurs dizaines d’années, entre 1550 et 1580. Ce parc peuplé de monstres étranges, taillés dans la pierre, correspondait tout à fait au goût du XVIe siècle. À cette époque, les bizarreries étaient en effet très à la mode. Les souverains européens collectionnaient les « curiosités » ramenées par les explorateurs du Nouveau Monde : fossiles, coquillages aux formes biscornues, insectes exotiques… Le grotesque, le bizarre, les fascinaient. Avec le parc de Bomarzo, ils étaient servis !

Sculpture du parc des monstres : le dragon, vers 1552. Bomarzo, parc des monstres. © photo : Éva Bensard.
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Sculpture du parc des monstres : la sirène, vers 1552. Bomarzo, parc des monstres. © photo : Éva Bensard.
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Orsini et les maximonstres
Dans les jardins de la Renaissance, les allées sont en principe bien dessinées et les parterres bien ordonnés. Mais dans le parc de Vicino Orsini, rien de tel ! On se croirait plutôt dans une jungle. La végétation est touffue et le chemin monte et descend le long de la colline. D’immenses et inquiétantes statues surgissent comme par enchantement au détour du sentier. Attention, juste derrière nous, voici deux sirènes : la première possède une double queue de poisson, la seconde est plus étonnante encore, avec ses pattes de lion et ses ailes d’oiseau. Un peu plus loin, Cerbère monte la garde. Réussira-t-on à passer ? À la Renaissance, on redécouvre l’art et la culture des Anciens grecs et romains, et beaucoup de statues, à Bomarzo, font référence à la mythologie et à l’Antiquité.

Sculpture du parc des monstres : la porte de l’ogre, vers 1552. Bomarzo, parc des monstres. © photo : Éva Bensard.
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Dans la gueule de l’ogre
Au fil de la promenade, d’autres apparitions nous attendent : une tortue gigantesque, un dragon déchaîné, deux mastodontes de près de dix mètres de haut... Heureusement, ces deux géants sont bien trop occupés à se battre pour faire attention à nous. Mais regardez : voilà l’ogre, la plus incroyable des sculptures du parc. Avec sa bouche grande ouverte, ne va-t-il faire qu’une bouchée de cette fillette ? Rassurez-vous, il est plus inoffensif qu’il n’y paraît. À l’intérieur, des bancs et une table nous attendent. Voici le redoutable monstre transformé en une grotte bien fraîche. Le prince Orsini, avec de telles astuces, devait ravir et impressionner ses amis. De son temps, son jardin était plus spectaculaire encore, car aux statues s’ajoutaient des jeux d’eau, des fontaines, un bassin de poissons… C’était un labyrinthe extravagant, un vrai « parc d’attractions » du XVIe siècle, mariant l’étrange et le merveilleux.