Tout Duchamp en une œuvre

Marcel Duchamp a lui-même résumé son oeuvre avec sa Boîte-en-valise. Méfiance cependant, son travail est plus complexe qu'il n'y paraît !


Publié le 31/10/2014 • Modifié le 15/09/2022

Temps de lecture : 2 min.

couverture dada n° 195 | octobre 2014 (marcel duchamp)

Cet article est extrait du no 195 de la revue DADA.

Facile de résumer l’œuvre de Marcel Duchamp : il s’en est chargé lui-même avec sa Boîte-en-valise. Méfiance cependant, sous ses dehors de mini-musée portatif, ce travail est à l’image de Duchamp : plus complexe qu’il n’y paraît !

Le transatlantique

Une valise ! Quelle drôle d’idée pour rassembler l’ensemble de son travail. Avec toutes ces miniatures et ses panneaux pliants, on dirait l’attirail d’un représentant de commerce. Mais finalement, sommes-nous si loin de la vérité ? Marcel Duchamp a passé sa vie à faire des allers-retours entre la France et les États-Unis, à établir un lien entre la vieille Europe des musées et l’Amérique des jeunes galeries et du commerce de l’art. À travers ses publications, même éphémères, dans les magazines Rongwrong, The Blind Man ou New York Dada, le Nouveau Monde a fait connaissance avec les dadaïstes européens, comme Otto Dix. Il organise aussi des expositions d’artistes surréalistes, vend et fait connaître le travail de Constantin Brancusi. Un vrai commercial des avant-gardes !

 

Image contenu
Marcel Duchamp, Boîte-en-valise, 1935-1941, valise en cuir contenant des répliques miniatures,
photographies, reproductions en couleurs des œuvres de duchamp et un dessin original, 40,7 × 38,1 × 10,2 cm. New York, Moma.
© 2014 image numérique, le Museum of Modern Art, New York / Scala, Florence.
© succession Marcel Duchamp © Adagp, Paris 2014.

 

Boîte de conserve

Marcel Duchamp aime mettre tout le monde en boîte, dans tous les sens du terme. En effet, avec Boîte-en-valise, il n’en est pas à son coup d’essai. Dès 1914, une première boîte. Vingt ans plus tard, une seconde : la Boîte Verte, qui réunit les documents sur Le Grand Verre. En 1966, À l’infinitif (La Boîte blanche) regroupera des notes de la période 1914-1923. Cette Boîte-en-valise, quant à elle, a vocation de rassembler les œuvres complètes de l’artiste français. Cosigné par son double féminin, Rrose Sélavy, l’objet s’étoffe avec les nouveaux travaux de Duchamp. Il passe de 68 pièces en 1941 à 83 fac-similés et reproductions dans les éditions suivantes. À l’intérieur, on retrouve le Nu descendant l’escalier, la Broyeuse de chocolat, les Neuf Moules Mâlic et des miniatures de Fontaine, Air de Paris, Pliant…de voyage… Vingt versions de luxe circuleront, toutes dotées d’une œuvre originale montée dans le couvercle d’une valise en cuir.

À toute éprœuvre !

Marcel Duchamp a toujours été attentif à la diffusion de ses œuvres, ne vendant ses travaux qu’à un petit nombre de collectionneurs, mais aussi à leur quantité. En effet, comparé à d’autres artistes du XXe siècle, il fait pâle figure avec sa petite centaine d’œuvres seulement. Son art est si réduit que tout rentrerait dans une valise ? Qu’à cela ne tienne, il imagine Boîte-en-valise. Les travaux sont reproduits, photographiés, coloriés, alors que certains ready-mades sont miniaturisés, voire exposés dans un autre sens (comme c’est le cas pour Fontaine). Ainsi, on pourrait penser que Boîte-en-valise se contente de compiler les créations de Marcel Duchamp, comme le ferait un chapelet de cartes postales vendu en guise de souvenir dans un musée. Mais ne vous y trompez pas… Marcel Duchamp a imaginé et conçu Boîte-en-valise ; il a recréé, redimensionné ses travaux antérieurs. C’est donc un travail original à partir de reproductions. Boîte-en-valise résume bien toute la complexité de l’art de Duchamp. Citation, reproduction, recyclage : l’art n’a plus de limites !

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