La crise décryptée par la philosophe Cynthia Fleury
Au cœur du débatPhilosophe et psychanalyste, Cynthia Fleury, est également professeure au Conservatoire national des arts et métiers, le Cnam, titulaire de la chaire Humanités et santé. Ses travaux portent sur la régulation démocratique et sur la place de la philosophie et de l’éthique dans le système de soin. Elle répond aux questions de Au cœur du débat, sur la situation inédite de la pandémie et des conséquences que cela peut engendrer d'un point de vue sociétal et politique.
1/ Quel pourrait être l’impact de cette crise sanitaire sur notre société ?
3 types de conséquences :
- Au niveau méta, organisationnel : une transformation de gouvernances nationale et mondiale, voire une certaine remise en cause de la mondialisation. On constate les failles des hypersystèmes actuels, en cas de disfonctionnement mondial. On constate un tournant social-démocrate, avec la volonté de préserver de biens publics vitaux essentiels : les secteurs de la santé, de la recherche, de l'approvisionnement des médicaments, de l’alimentation, de l’éducation...
- Le mouvement appliqué : l’accélération et la révolution de certains usages, comme le télétravail, le téléenseignement, la téléconsultation... certes, de nouvelles compétences sont à acquérir, mais c’est possible. L’enjeu est de s’approprier les outils qui permettent de vivre, de consommer différemment. Les Fab-lab de science citoyenne, par exemple ont été utiles pendant la pandémie : par la création de prototypes de manière locale.
- L'axe comportemental : on a dû agir, aller vers des conceptions positives, mis en place plus de solidarisme, on a dû coordonner des comportements.
2/ De votre point de vue de philosophe et de psychanalyste, quels types de conséquences collectives et individuelles voyez-vous apparaître dès aujourd’hui ?
Il y a une pluralité des situations : les personnes ultra-vulnérables, pour qui le confinement est très difficile, et d’autres en situations de confort. De même il existe différents types de décompensation : peur pour soi, pour sa santé, ceux qui étaient déjà malades, l’angoisse économique (projection d’un avenir incertain, hostile, austère). Temps initiatique, revalorisation de certains métiers, mais pour combien de temps, quelle continuité et l’après-crise, les espérances sont différentes.
3/ En quoi la crise actuelle nous pose de nouvelles questions d’éthique ou en quoi elles posent les questions d’éthique d’une nouvelle manière ?
Les questions existaient déjà : la raréfaction des moyens, la priorisation, la justice distributive, liées à la logique du grand nombre. Accepter de passer des droits de l’individu, à une notion de bien commun, un comportement et une responsabilité collective, tout en gardant à l’esprit le respect de l’état de droit.
- Le questionnement juridique : l’état d’exception sanitaire. Il doit être temporaire, en dernier recours, lié à la stricte nécessité. Le suivi démocratique, doit s’assurer qu’il n’y a pas de dérives liberticides au-delà de ce qui est nécessaire.
- Les questions d’équité : comment réagir dans des situations hors norme, comme les prisons, les SDF et l’Ehpad... Quelle alternative pour corriger une règle trop générale, et qui peut avoir des conséquences importantes d’un point de vue individuel.
Producteur : CNAM
Année de copyright : 2020
Publié le 03/09/21
Modifié le 03/09/21
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