La croissance rend-elle heureux ?
Les clés de l’éco – Citéco – Cité de l’économieA cette question posée : la croissance rend-elle heureux ? 5 économistes tentent de répondre à cette question, et leurs conclusions se retrouveront certainement dans le reflet de ce que vous auriez pu imaginer...
Michel Aglietta, professeur –Université Paris Ouest :
« Cette affirmation n’a pas de sens, le bonheur est une conviction intime qui ne fait pas l’objet de connaissances objectives. En revanche, les fondements économiques du bien-être, c’est-à-dire le socle de ce qui peut donner le sentiment de bonheur, font l’objet eux, de connaissances objectives.
Il faut repenser ce qu’Adam Smith, qui était le fondateur, si vous voulez, de la science économique au XVIIIe siècle, appelait « la richesse des nations.» Aujourd’hui, le PIB ne mesure absolument pas la richesse des nations.
François Bourguignon, directeur de l’Ecole d’économie de Paris :
« Je répondrais oui, mais pour un temps limité. Pourquoi ? Simplement parce que si on me donne soudainement plus de moyens pour vivre mieux, pour faire des voyages, prendre des vacances, avoir plus de confort chez moi, il est évident que, pendant le moment où je vais mettre en œuvre ces améliorations de mon cadre de vie, je vais être plus heureux. Une fois que je serai habitué à ce nouveau cadre de vie, à cette nouvelle façon de vivre, je dirai : Très bien, c’est normal, c’est comme ça !
La croissance rend heureux, mais pour un certain temps
C’est pour cela que la croissance rend heureux, oui mais pour un certain temps. Il y a autre chose, c’est que les gens se comparent entre eux. Et donc, mon bonheur c’est finalement d’être un petit peu mieux que les autres. Mais quand on regarde la croissance, elle bénéficie à tout le monde. Et donc si tout le monde croît en même temps, voit sa situation s’améliorer en même temps, il n’y a pas d’avantage d’un individu ou d’une famille sur une autre. Donc, finalement, ça ne se reflète pas dans l’évolution du bonheur.
Marc-Olivier Strauss-Kahn, directeur général de la Banque de France :
La croissance économique et le bien-être ne sont pas exactement synonymes. D’abord, la croissance peut entraîner de la pollution, ça entraine du stress, dans l’organisation du travail. Ensuite, le bien-être est difficile à mesurer, et il dépend de beaucoup de facteurs : l’accès à la santé, l’accès à l’éducation, la sécurité et des facteurs qui sont plus objectifs, comme l’accès aux loisirs et le temps libre.
Le bien-être est une notion relative
Troisième élément, le bien-être est une notion relative, c’est-à-dire qu’on le fait par comparaison. Alors dans les pays pauvres, ce n’est pas trop un problème, et la croissance économique ainsi que le bien-être, ça va plutôt ensemble parce qu’il y a beaucoup à rattraper. Mais dans nos pays plus développés, comme la France, on a tendance à comparer nos revenus, notre situation à celle de nos voisins, plutôt qu’à celle de nos parents. Et à ce moment-là, si on ressent une augmentation des inégalités, ou si on a des besoins insatisfaits, eh bien on peut se sentir moins bien.
Olivier Garnier, chef économiste – Société Générale :
Il y a des phénomènes d’accoutumance, de comparaison aux voisins, qui déterminent votre perception du bonheur. Ceci étant dit, ce que l’on voit aussi c’est que statistiquement il y a une corrélation entre ce qu’on pourrait appeler le bien-être, et puis le niveau de vie que l’on mesure par le produit intérieur brut ou par d’autres indicateurs.
Qu'est-ce que ça veut dire, la croissance ?
Si vous demandez à quelqu’un, puisque la vraie croissance, finalement, qu’est-ce que ça veut dire, la croissance in fine ? C’est gagner plus sans travailler plus, puisque le progrès, in fine, c’est ça. Et si vous posez la question à la plupart des personnes, elles vous diront « Si je gagne plus sans avoir à travailler plus, je serai nécessairement un peu plus heureux.
David Thesmar, professeur de finance à HEC :
Quand on regarde aussi l’histoire des pays, on s’aperçoit par exemple, si on regarde l’histoire des Etats-Unis, qu’il y a des décennies de forte croissance et des décennies de stagnation économique. De manière générale, dans les décennies de forte croissance, les gens sont quand même plus heureux, les sociétés sont plus ouvertes à l’immigration, les inégalités se réduisent, le débat politique se dépassionne, il y a moins de populisme, et inversement, quand vous avez une décennie de stagnation, vous avez une rétractation politique qui témoigne du fait qu’une société qui croît est quand même, une société plus heureuse.
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Année de copyright : 2019
Année de production : 2019
Publié le 26/06/20
Modifié le 07/10/21