« Paradoxe sur le comédien » de Denis Diderot

Et si le pire ennemi du comédien, c'était la sensibilité ? C'est le point de départ de la réflexion de Diderot dans Paradoxe sur le comédien, que te présente François Busnel dans cet épisode de La p'tite librairie.

De quoi traite Paradoxe sur le comédien ?

Paradoxe sur le comédien est un essai sous forme de dialogue qui parut en 1820, soit 36 ans après la mort de son auteur Denis Diderot. Diderot a lui-même écrit plusieurs pièces de théâtre à succès, mais il est avant tout un philosophe des Lumières. Et lorsqu'il réfléchit sur le théâtre, il en vient à penser l'inverse de ce que la plupart des gens croient. Selon lui, la sensibilité n'aide pas un comédien à rendre son personnage plus crédible, au contraire, elle le rend mauvais.

C'est l'extrême sensibilité qui prépare les acteurs médiocres, c'est le manque absolu de sensibilité qui prépare les acteurs sublimes.

Pour Diderot, la sensibilité, c'est l'alibi du comédien imitateur, au jeu plat. Ce n'est pas en lui-même que le comédien doit chercher la ressource pour incarner un personnage, mais en faisant appel à un modèle idéal, grâce à son imagination ou à sa mémoire. Pour bien jouer, il faut, selon lui, jouer de tête et se projeter dans ce qu'il appelle un fantôme, froidement détaché de soi-même. Ce n'est qu'à ce prix et à force de travail, que le comédien pourra endosser tous les rôles et s'avérer constant. Dès sa parution, Paradoxe sur le comédien fit débat au sein de la communauté des artistes de théâtre. On accusa Diderot d'être un cœur sec, incapable de passion (un comble quand on connaît son palmarès amoureux ! ). En réalité, Diderot ouvre le débat plus qu'il ne le clôt. Sensibilité ou intelligence, qu'est-ce qui fait un grand acteur ? La question divise encore aujourd'hui les comédiens de théâtre et de cinéma... et même leurs spectateurs.

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