GUERRE D'ALGÉRIE | de la colonisation à l'indépendance...
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Interview de Benjamin Stora

Benjamin Stora, docteur en histoire et en sociologie, enseigne l'histoire de la colonisation française à l'université Paris-VIII. Il a publié de nombreux ouvrages sur l'Algérie. Il donne quelques conseils aux professeurs pour aborder l'histoire de l'Algérie de 1830 à 1962.

Comment enseigner la période de 1830 à 1962 ?
Benjamin Stora : Tout d'abord, c'est une période très longue. L'Algérie de la conquête française n'a rien à voir avec l'Algérie de la fin du XIXe siècle. La période française en Algérie a duré près d'un siècle et demi, soit pratiquement de quatre à cinq générations. Il n'est pas possible de réduire l'histoire de l'Algérie contemporaine à la phase de la guerre, c'est-à-dire à la phase terminale, entre 1954 et 1962.
Ensuite, il ne faut pas faire dépendre l'histoire de l'Algérie contemporaine à celle de la présence française. Cette explication serait mal perçue par les enfants issus de l'immigration maghrébine algérienne, pour qui l'histoire algérienne ne se réduit pas seulement à l'histoire française. C'est un second écueil difficile à éviter car l'Algérie, comme nation moderne, a effectivement émergé au temps de la colonisation.
L'Algérie d'avant 1830 a des contours de frontières incertains, qui ne correspondent aux frontières d'aujourd'hui. Dans cette réelle difficulté à ne pas faire dépendre exclusivement l'histoire de l'Algérie à l'histoire de l'Algérie française, il faut trouver des modes d'articulations entre histoire singulière spécifique algéro-algérienne et histoire enfantée par le système colonial.
Autre point : il existe une avalanche de documents sur cette période, et beaucoup tournent autour du même thème, la complexité du rattachement de l'Algérie à la France, ou de la guerre d'Algérie, sans mise en perspective historique.
Cette histoire est compliquée car l'Algérie coloniale est divisée en trois départements, mais en même temps, l'Algérie n'est pas la France car la majorité des gens qui y vivent, les Algériens musulmans, ne disposent pas des attributs de la citoyenneté française. La complexité vient de l'intégration à la France mais en même temps, de ce refus de citoyenneté. La masse des ouvrages tournent autour de cette question : le rapport entre la question coloniale et la question républicaine.

Pensez-vous que c'est une partie de notre histoire que l'on tente d'occulter ?
B. S. : Non, c'était il y a dix ans. Cette question de l'Algérie et de la guerre d'indépendance est partout dans les médias, dans les journaux... En classe de terminale, le programme est très lourd et les professeurs ont peu de temps pour enseigner la guerre d'Algérie.

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