Charles Dickens, écrivain populaire de l'époque victorienne


Publié le 16/10/2012 • Modifié le 21/08/2025

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Qui était Charles Dickens ?

Le 7 février 1812, à Portsea dans le sud de l’Angleterre, vient au monde le deuxième enfant de la famille Dickens, Charles. Son père, John, travaille modestement pour la marine et sa mère, Elizabeth, commence elle-même l’éducation classique du jeune Charles. Rapidement, la famille déménage pour le bucolique comté de Kent et les premières années de jeunesse laisseront à l’écrivain le souvenir d’avoir côtoyé le bonheur. John Dickens, brave homme vénéré par le petit Charles, fait des spéculations hasardeuses, ruine sa famille et se retrouve quelques mois dans la « Marshalsea debtor’s prison », une institution spécifiquement britannique, pas tout à fait une prison, où l’on peut vivre en famille en jouissant d’une certaine autonomie jusqu’au remboursement de la dette.

Nous sommes en 1824, et le petit Charles, à 12 ans, est soudain livré à lui-même : confié à une amie de la famille, madame Roylance, qui lui inspirera le personnage de Mrs Pipchin, il travaille dur dans la sordide fabrique de cirage d’un lointain cousin. Ce passage brutal du monde des employés aisés aux terribles conditions de vie du lumpenprolétariat de Londres marquera à jamais Charles Dickens et sera l’inspiration constante de son œuvre, en particulier l’autobiographique David Copperfield.
Les dettes de la famille enfin payées, Charles peut retourner à l’école, décision de son père contre l’avis de sa mère, qui l’aurait bien laissé à la fabrique de cirage, ce qui cause une peine indélébile à l’enfant. La « Wellington House Academy » n’est pas fameuse, mais Charles est un adolescent à l’imagination brillante, il veut réussir.

Sa facilité d’écriture lui permet, en 1827, d’occuper la position de clerc, c'est-à-dire de préposé aux écritures, dans un cabinet d’avocats. Charles Dickens, comme il l’a fait dans les faubourgs populaires de Londres, va s’imprégner de l’ambiance, nouvelle pour lui, des palais de justice et des mœurs bureaucratiques.

Il devient en 1834, à 22 ans, chroniqueur judiciaire et politique au Morning Chronicle. Deux années plus tard, ses chroniques humoristiques, Pickwick Papers, sont publiées mensuellement et connaissent un grand succès. Elles sont considérées comme l’origine  des « serials », les romans feuilletons : genre nouveau, lié à la diffusion de la grande presse, populaire par excellence. Charles Dickens en est le maître incontesté en Angleterre, Balzac et Alexandre Dumas en France. La parution séquencée de l’œuvre engendre un rythme particulier, fait de longues descriptions d’ambiance et de suspense propre à maintenir le lecteur en haleine d’une semaine sur l’autre.

En 1836, il épouse Catherine Hogarth. Le mariage ne fut pas toujours heureux, ils n’en eurent pas moins dix enfants. De 1837 à 1839, Dickens publie Oliver Twist, un immense succès qui lui assure un revenu conséquent. Dès lors il publie sans discontinuer, écrivant à la plume, dix heures par jour, obsédé par les délais de livraison de l’épisode. Plusieurs romans sont en cours simultanément. Pourtant, Charles Dickens trouve le temps de voyager aux Etats-Unis, de faire des conférences et des lectures de son œuvre, et même d’organiser des représentations théâtrales charitables dans lesquelles il est tout à la fois auteur, acteur et metteur en scène.

À partir de 1840, les succès s’enchaînent : The Old Curiosity Shop, A Tale of two Cities, des contes de Noël… Tout réussit à Charles Dickens. Son ouvrage le plus célèbre, David Copperfield, est publié entre 1849 et 1850. Au faîte de la gloire, Charles Dickens séjourne en Italie, à Paris, sans jamais cesser d’écrire. En 1858, il quitte son épouse pour vivre une passion avec la jeune actrice Ellen Ternan. En 1865, il échappe de peu à la mort dans un accident de chemin de fer, épisode dont il se remettra difficilement. Mais il continue sa production régulière de feuilletons.

En 1867, il entreprend un second voyage aux Etats-Unis, suivi, en 1869, d’une tournée de conférences au Royaume-Uni au cours de laquelle il est victime d’un malaise cardiaque. Il reprend le travail, mais ne pourra achever son dernier ouvrage, The mystery of Edwin Drood. Il meurt le 9 juin 1870, chez lui, à 58 ans, la plume à la main. Il est inhumé dans le coin des poètes à l'abbaye de Westminster (Londres).

Œuvres principales

Les Papiers posthumes du Pickwick Club (1836-1837), Oliver Twist (1837-1839), David Copperfield (1849-1850), Un chant de Noël (1843)

Dans quel contexte est écrit Oliver Twist ?

La formation littéraire du jeune Charles Dickens, entre les années 1820 et 1830, se fait sur la base de l’héritage du XVIIIe siècle : héritage des Lumières avec Diderot et Voltaire en France et David Hume en Angleterre ; héritage aussi du plus important mouvement artistique européen amorcé au XVIIe siècle, le romantisme.
Entre la pensée rationnelle de L’Enquête sur l’entendement humain de Hume et la fiction échevelée des romans gothiques de Ann Radcliffe (The Mysteries of Udolpho par exemple), Dickens peut embrasser toutes les facettes de l’art littéraire et en particulier l’humour absurde et insolent de son ainé de trente ans : Thomas de Quincey (Les derniers jours d’Emmanuel Kant). Il peut lire Byron, Shelley, Keats, poètes immortels flirtant comme les romantiques français avec la politique, entre aspiration démocratique des peuples et nostalgie monarchique. Il se plonge aussi dans la lecture des romans picaresques de Tobias Smolett.

Le monde change sous les yeux de Dickens, les campagnes se vident au profit des centres industriels, et il assiste à la naissance de ce qu’on appellera désormais la classe ouvrière. Parallèlement, la croissance exponentielle de la population des villes, le développement continu de l’instruction populaire (lié aux réformes démocratiques) favorisent l’essor de la presse quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle où Charles Dickens publiera l’essentiel de son œuvre.

Son histoire personnelle, de jeune garçon éduqué plongé par un revers de fortune dans les bas fonds de la petite industrie, lui permettra de scruter avec recul le spectacle de ce petit peuple aussi pauvre que pittoresque. De sa connaissance intime du monde des prolétaires, Charles Dickens tirera à la fois l’inspiration de ses chroniques humoristiques et de ses grands feuilletons mélodramatiques, tout en rendant tribut à la tradition romantique encore prégnante dans de fines descriptions des états d’âme de ses héros et des paysages aussi bucoliques qu’urbains dans lesquels il les fait évoluer. Le Londres populaire est ainsi décrit dans Oliver Twist : « Pour atteindre ce lieu, le visiteur doit passer par un dédale de rues sans air, étroites et boueuses, où se pressent les plus grossiers et les plus pauvres des riverains et dont le commerce est consacré à tout ce qui est censé convenir à pareille population (…) les articles d’habillement les plus rudes et les plus communs se balancent à la porte du marchand ou ruissellent par les fenêtres et le parapet de sa maison ».

Le chantre des petites gens

Même si Charles Dickens n’est pas le tout premier à publier une œuvre romanesque sous forme de feuilleton, il reste le premier à avoir atteint ce stade de notoriété avec ce type de production.

Entre 1837 et 1839, il publie, en livraisons mensuelles, Oliver Twist, l’histoire compliquée d’un jeune orphelin recueilli par une bande de pickpockets ! Largement inspirée de son expérience d’ouvrier à l’âge de 12 ans, Oliver Twist est un plaidoyer contre l’enfance maltraitée et les déplorables conditions d’existence des classes populaires. En dépit d’un sentimentalisme exacerbé, le roman est aussi une virulente critique sociale dont la vigueur étonne dans une société victorienne très collet monté. Cette critique en creux des work houses (littéralement « maisons de travail »), institutions anglaises dépendant des paroisses accueillant les pauvres, mendiants et orphelins, trouva un écho immédiat dans les classes populaires de son époque. Charles Dickens impose à travers ce feuilleton des personnages populaires peu présents dans la littérature de ses contemporains (les sœurs Brontë, Tennyson, Thackeray, George Eliot). Là est le génie de Charles Dickens : il plonge ses lecteurs pour un shilling (le prix modeste d’une parution mensuelle) dans leur propre univers, mais avec une plume érudite et alerte qui les fait rire et pleurer de leur propre existence.

Quelle postérité pour Charles Dickens ?

La rencontre avec le public ne se démentira jamais et Dickens enchaîne les succès jusqu’à sa mort : The Old Curiosity Shop, David CopperfieldGreat Expectations, autant de feuilletons où Dickens pose les codes du genre : pléiades de personnages bien identifiés, retournements de situation à peine réalistes, « cliffhanger «  (littéralement « suspension à la falaise »), interruption du récit à un moment clef, sans oublier de précises descriptions très documentées des lieux, des métiers et des gens. Tous ces procédés fondent ce qui restera pendant plus d’un siècle la littérature populaire par excellence dans le monde occidental.

On ne compte plus les adaptations de Charles Dickens au cinéma par les plus grands cinéastes, Georges Cukor, Roman Polanski ou Robert Zemmekis. Ses Contes de Noël (A Christmas Carol) sont aujourd’hui encore parmi les meilleures ventes en librairie.
La ville de Chatham, au sud-est de Londres, où Charles Dickens vécut une grande partie de son enfance, accueille le Dickens World, parc d’attraction dédié, qui plonge les visiteurs dans l’époque victorienne, un parc reconnu par les spécialistes de son œuvre et par la vénérable association Dickens Fellowship.


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