En attaquant vigoureusement le conformisme commercial du cinéma français dans leur revue Les Cahiers du Cinéma, les « jeunes turcs » Eric Rohmer, Claude Chabrol, Jean Luc Godard, Jacques Rivette emmenés par un François Truffaut en pleine verve réclament une refondation du cinéma.
Rien moins que changer tout, le fond, la forme et les moyens. C’est la révolution dans les studios, la Nouvelle Vague est née et les critiques d’hier se placent derrière la caméra, Truffaut parmi les premiers.
Changer la forme ? Pas de problème ! Truffaut se lance dans l’autobiographie, un genre littéraire bien en place depuis Jean-Jacques Rousseau, mais inédit au cinéma de cette façon. Un pari fou : intéresser le public avec l’histoire de sa propre (et assez courte) vie. Pari réussi : les tribulations d’Antoine Doinel/François Truffaut émeuvent le public. Godard et Rivette suivent dans la même veine. On reprochera plus tard au cinéma français son nombrilisme, mais un genre était né qui donnera Rainer Werner Fassbinder, Philippe Garrel, Wim Wenders, Gus Van Sant et tant d’autres.
Changer la forme : facile ! Il suffit à Truffaut de refuser les diktats techniques des complexes tournages en studio. Il opte pour les décors naturels avec une poignée de jeunes techniciens audacieux et choisit quelques acteurs peu connus mais dévoués à leur metteur en scène. La caméra légère quitte son pesant travelling pour se jucher sur l’épaule de Raoul Coutard, directeur de la photographie. Le jump-cut (effet de transition par une saute d’image) dynamite le montage traditionnel. Approximations, maladresses, raccords tangents, improvisation : certes, mais il y a de la jeunesse, de la vie et le charme que confère l’inspiration à la nécessité de tourner.
© 1960 Les Films de la Pléiade
Changer les moyens de production ? Peut-être le pari le plus risqué de la Nouvelle Vague. En se faisant lui-même producteur de ses œuvres, Truffaut entend maîtriser le processus de fabrication de A à Z sans subir les pressions d’un producteur dont les intérêts ne sont peut être pas toujours ceux de l’art pour l’art. Il fonde sa propre maison de production, Les films du Carrosse, sous l’œil bienveillant de son beau-père, Ignace Morgenstern, producteur de Sacha Guitry entre autres, et futur distributeur de ses films avec sa société Cocinor. Grâce au succès des Quatre cents coups, François Truffaut peut enchaîner film sur film dans les mêmes conditions de production : 1960 Tirez sur le pianiste, 1961 Jules et Jim, 1964 La peau douce, 1968 Baiser Volés… On remarque au passage la qualité des titres trouvés par François Truffaut qui signent véritablement une œuvre très littéraire, très écrite où l’auteur participe activement au scénario et aux dialogues même s’il ne les signe pas toujours.