Insurrection générale contre tous les mots d’ordre de la société bourgeoise, le surréalisme s’affirme avant tout comme une révolution. N’est-ce pas ce qu’affirme le titre de l’une de ses revues, La Révolution surréaliste ?
Couverture de la revue La Révolution surréaliste, n°11, 15 mars 1928 (photographie anonyme).
De Dada au surréalisme
C’est dans un rejet de la société et de la culture qui ont conduit aux atrocités de la Première Guerre mondiale que s’inscrivent les artistes réunis, avec Tristan Tzara, derrière le mot « Dada ».
Leur vocation est nihiliste, basée sur le dégoût. Elle aura rendu possible la redéfinition de la poésie et des arts proposée par le surréalisme. Mais celui-ci s’en émancipera, dans une démarche constructive visant à renouveler l’imaginaire.
La provocation et le scandale
De même que le mouvement Dada, le surréalisme se développe autour de la transgression, de l’insoumission à la norme. Il rapproche ce qui s’oppose et marie les contrastes pour créer des « étincelles ». La beauté naît désormais de l’inattendu. À rebours des tendances de l’abstraction, les surréalistes créent de l’étrangeté à partir du réel. Ils feront de cette phrase un véritable étendard :
« Beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie. » Lautréamont
Le goût des listes
Le mouvement connaît querelles et redéfinitions : certains sont exclus quand d’autres se rapprochent. Si bien que l’on ne saurait énumérer avec exhaustivité les surréalistes.
Dans une volonté de définition, ils aiment faire des listes de ceux qu’ils reconnaissent, par affinité intellectuelle, comme leurs pères. Dans cette généalogie élective, se retrouvent pèle mêle : Lautréamont, Freud, Baudelaire…
Aussi le portrait de groupe est-il un genre prisé des surréalistes. Dans Au rendez-vous des amis, Max Ernst intègre de façon incongrue des figures d’autres époques (Raphäel, Dostoïevski…)
« Enquête [sur l’amour] » La Révolution surréaliste, n° 12, 15 décembre 1929, p. 72-73
(Reproduction d’une œuvre de René Magritte et photomatons des surréalistes les yeux fermés.
De gauche à droite, par ligne :
Maxime Alexandre, Louis Aragon, André Breton, Luis Buñuel, Jean Caupenne, Salvador Dalí, Paul Eluard, Max Ernst, Marcel Fourrier, Camille Goemans, René Magritte, Paul Nougé, Georges Sadoul, Yves Tanguy, André Thirion, Albert Valentin, 1929).
Grâce au procédé du photomaton, photographie automatique par définition, les artistes se sont représentés ici les yeux fermés, en hommage à la richesse de notre monde intérieur. Ces portraits offrent un cadre à une toile de René Magritte. Comme souvent chez ce peintre, un message énigmatique accompagne la peinture. L’image, intégrée à la phrase, devient mot.
Surréalisme et politique
Beaucoup de surréalistes ont, à un moment donné, adhéré au Parti communiste. Ils voulaient former le seul courant littéraire révolutionnaire. Mais ceux qui rejetaient toute soumission à un ordre quel qu’il soit ne purent accepter la subordination de l’art aux objectifs du Parti. Ces artistes aspiraient à une révolution psychique et spirituelle, pas à une réorganisation politique.