Amélie Nothomb, romancière de l’autofiction

Dans quel contexte est écrit Stupeur et tremblements ?

Stupeur et tremblements est publié en 1999, à un an de l’an deux mille. L’Occident vit ce passage de millénaire sous le signe de l’inquiétude et de l’espoir mêlés. Sur le plan géopolitique et économique, la communauté européenne opère le passage à la monnaie unique, l’euro, dont l’idée avait été lancée par le rapport Werner en 1970 et soutenue par Jacques Delors lorsqu’il est Premier ministre en France. Toujours en France, l’esprit est à l’unité nationale, notamment derrière la victoire de l’équipe de France au Mondial de foot 1998 : le fait que cette équipe soit constituée de joueurs d’origine multiple est lu comme un facteur de rassemblement et de coexistence pacifique des différentes identités et communautés françaises. En Europe, la guerre en Yougoslavie touche à sa fin. Et si la question de l’écologie commence déjà à agiter les consciences, notamment ravivée par le naufrage de l’Erika et la marée noire qui suit, on ne parle presque pas de réchauffement climatique. Nous sommes alors dans le monde d’avant les attentats du 11 septembre 2001, qui voit comme seul fait politique marquant la démission de Boris Eltsine en Russie au profit d’un certain Vladimir Poutine.

Qu’a changé Amélie Nothomb à la littérature ?

Le roman français, qui s’est développé et imposé comme le genre de référence au XIX^e siècle, connaît au XX^e siècle des remises en question. Après la Seconde Guerre mondiale, les écrivains s’interrogent sur la manière de raconter des histoires lorsqu’on ne croit plus au sens de l’Histoire. Ils remettent également en doute la notion de personnage. Les réponses à ces interrogations sont multiples : certains empruntent la voie de l’expérimentation, avec ce qu’on appellera le courant du Nouveau Roman ; d’autres se tournent vers une écriture du réel et prennent pour sujet leur propre vie, ouvrant ainsi la voie de ce qu’on nommera « l’autofiction », selon le terme du critique Serge Doubrovsky en 1977. Amélie Nothomb est une des principales représentantes de ce genre littéraire, qui fait partie des genres d‘écriture de soi mais aussi des genres du récit. L’autofiction se définit par une identité de l’auteur, du narrateur et du personnage principal mais aussi par une mise à distance de soi dans ce qui accompagne le texte (couverture, quatrième de couverture, discours sur l’ouvrage…). Elle s’adonne néanmoins également au genre plus strictement romanesque dans des ouvrages comme Premier sang ou Les Aérostats.