De 1845, avec le Salon de 1845, à 1863, avec un essai sur le dessinateur Constantin Guys, en passant par le Salon de 1846, l’Exposition universelle de 1855, le Salon de 1859, des études littéraires et un essai sur Richard Wagner, Baudelaire s’est constamment voué à une œuvre critique.

Dédicace à Théophile Gautier de l'épreuve des Fleurs du mal corrigées par Baudelaire, 1857 © BnF
Si la critique d’art répond au « culte des images », « grande » et « primitive » passion de Baudelaire, elle est, de même que la critique littéraire ou musicale, le moyen d’exposer sa propre esthétique. Pour Baudelaire, un véritable poète contient nécessairement un critique, et il n’est pas d’art sans réflexion sur l’art. Mais il n’est pas d’art, non plus, sans une sensibilité particulière et une vision du monde originale, aussi, seul un artiste, doté de ces qualités, est apte à traduire l’univers d’un autre artiste ; ainsi « le meilleur compte rendu d’un tableau pourra être un sonnet ou une élégie ». Dès 1846, Baudelaire affirme l’importance de la modernité en art et définit le romantisme comme l’expression la plus récente du beau. Double par nature, le beau est composé d’un élément éternel et d’un élément transitoire qui reflète une époque, une mode, des circonstances. En 1863, l’essai sur Constantin Guys précise cette esthétique de la modernité qui extrait l’éternel d’un quotidien fugace. Outre la peinture, Baudelaire s’est intéressé à la sculpture, la gravure, la caricature, la photographie. Eugène Delacroix, « peintre-poète » dont Baudelaire loue le mélange de science et de « naïveté », la mélancolie et la primauté de la couleur, est sa grande et constante admiration. En Victor Hugo, dont le sépare la croyance au progrès (le seul progrès, pour Baudelaire, est de nature spirituelle), le critique salue le « rajeunissement » apporté à la poésie, l’universalité, l’aptitude à percer « le mystère de la vie ». Il loue « l’amour exclusif du Beau » de Théophile Gautier, c’est-à-dire un art qui n’a d’autre but que lui-même et refuse de servir explicitement le vrai ou le bien, la science ou la morale. Admirateur de Chateaubriand, fondateur de « la grande école de la mélancolie », de Balzac, de Sainte-Beuve en qui il voit un précurseur des Fleurs du Mal, Baudelaire peut aussi analyser avec sympathie l’œuvre de Marceline Desbordes-Valmore qui est à l’opposé de ses propres conceptions poétiques. Mais, évoquant l’exaltation produite sur lui par Tannhäuser, c’est bien des éléments de son univers que Baudelaire retrouve chez Richard Wagner : visions, système des correspondances, cœur humain écartelé entre le Bien et le Mal.