L’esprit qui avait présidé à la négociation du Concordat ne devait pas survivre à la chute du premier Empire. À partir de la Restauration de la monarchie, en 1814, l’Église catholique va s‘efforcer de reconquérir son influence ancienne. En réponse, un courant laïque, à la fois républicain et anticlérical, va se développer.
La réaction cléricale
Au cours du XIXe siècle, les catholiques militants se sont, en effet, efforcés de rétablir l’influence de l’Église sur l’État. La Restauration de la monarchie, en 1814, leur donne le sentiment d’avoir emporté une victoire. Les ultras, regroupés autour du comte d‘Artois, futur Charles X, tentent de revenir sur un certain nombre de mesures à forte portée symbolique comme la laïcisation de l’état civil. Appuyé sur une littérature politique clairement réactionnaire d’auteurs contre-révolutionnaires comme Joseph de Maistre ou Bonald, l’Église catholique part à la reconquête idéologique des territoires perdus, notamment dans le secteur de l’enseignement. Elle s’appuie sur un mouvement plus large de réaction engagé par la papauté à partir du pontificat de Grégoire XVI (1831-1846), qui va s’amplifier sous le pontificat de Pie IX (1846-1878) pour aboutir à la rédaction du Syllabus, véritable manifeste de l’obscurantisme qui condamne 80 erreurs du monde moderne, en 1864. Cette pensée cléricale dispose de ses relais : Félicitée de Lamennais, puis, plus tard, Louis Veuillot dans son journal l’Univers, et Dupanloup, les congrégations religieuses, notamment les jésuites puis les assomptionnistes.
Sous le règne de Charles X, des textes sont votés, comme la loi dite « du milliard des émigrés », qui indemnise les nostalgiques de l’Ancien régime ayant fui à l’étranger, la loi sur le sacrilège ou la loi sur les congrégations de femmes qui démontrent la volonté de revenir sur les acquis de la Révolution. Sous la IIe République, la loi Falloux ouvre à l’enseignement confessionnel une large possibilité de développement. Cette réaction se poursuivra sous le second Empire puis sous le gouvernement de l’« Ordre moral ».
Le combat anticlérical
En réponse à cette offensive cléricale, les républicains durent adopter une attitude clairement anticléricale. À côté d’un anticléricalisme savant qui s’exprime chez des penseurs aussi divers que les historiens Jules Michelet et Edgar Quinet ou le théoricien du socialisme anarchiste Proudhon, se développe un anticléricalisme populaire, prompt à dénoncer le décalage entre le discours et les pratiques, à stigmatiser la soif de pouvoir de la « Congrégation », terme générique qui recouvre à partir de la Restauration les diverses manifestations du cléricalisme. Le thème des « deux France », puis des « deux jeunesses » s’impose progressivement pour dénoncer la tentation résolument contrerévolutionnaire de l’Église. Victor Hugo, Sainte-Beuve, Erckmann-Chatrian, Flaubert au travers du personnage du pharmacien Homais dans Madame Bovary, Émile Zola, tantôt dénoncent les dangers du cléricalisme, tantôt défendent les conquêtes de la raison, de l’esprit critique ou de la science. Le positivisme d’Auguste Comte ou d’Émile Littré apparaît comme une réponse à l’offensive cléricale. Béranger, dans ses chansons et ses pamphlets, fut l’un des acteurs les plus résolu de ce combat anticlérical. La célèbre intervention de Gambetta à la Chambre le 4 mai 1877 : « Le cléricalisme ? Voilà l’ennemi », résume assez bien l’état d’esprit des républicains. À partir des années 1880, le combat, jusqu’alors simplement idéologique, des républicains trouve un relais législatif.