André Malraux : discours du 4 septembre 1958


Publié le 15/10/2012 • Modifié le 25/04/2023

Temps de lecture : 3 min.

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Citoyens, citoyennes, quand le quatorze juillet, j'ai dit place de l'Hôtel de Ville, que si certains voulaient la république sans le général de Gaulle, et d'autres le général sans la République, la France, elle, voulait la république avec le général de Gaulle,

Il était bien imprudent de m'opposer que le peuple de Paris ne serait pas au rendez-vous du général de Gaulle avec la république, le peuple de Paris est là ! Pour la France, merci témoins !

Ce qu'est pour nous la république, nous ne l'avons jamais si bien compris que pendant les années d'occupation.

Sur les socles déserts, la vieille voix alors sans visage disait : on a pu chasser mes effigies, mais nul n'a pu les remplacer.

Il n'est au pouvoir de personne de m'arracher du coeur des français, ce n'est pas parce que je suis pour eux le souvenir de jeux politiques désastreux,

qui ont mis sur ma face victorieuse le masque de la défaite, mais parce qu'absent ou présent, français, je suis une part ineffaçable de votre fierté fraternelle.

Pour ceux des maquis, j'ai souvent le visage d'un vieux maire, ancien combattant de 14, avec son bras qui manque et ses cheveux blancs.

Un monde qui ne connaît pas d'égalité absolue, j'ai jadis imposé l'égalité des hommes devant moi,

En un temps où pour tous les peuples d'Europe, la France trouvait dans la révolution sa nouvelle mission, je me suis appelé la révolution.

J'étais le courage, j'étais la justice, j'étais l'espoir. A Jemmapes comme à Rivoli, et encore obscurément dans les bois d'Austerlitz.

C'est de moi que parle la radio brouillée qui monte avec la nuit, lorsqu'elle parle du gouvernement provisoire de la république française.

Aussi longtemps que ne seront pas chassés ceux qui tentent de conquérir l'Europe au nom de l'inégalité des peuples et des races, comment oublierait-on les soldats de l'an II, qui la firent danser au nom de la liberté.

En 1941, le chef des français libres avait déclaré : « nous disons liberté, égalité, fraternité »,

Parce que notre volonté est de demeurer fidèles aux principes démocratiques que nos ancêtres ont tiré du génie de notre race et qui sont l'enjeu de cette guerre pour la vie ou pour la mort.

Le souvenir de la république n'était pas pour nous celui de la douceur de vivre, moins encore celui des combinaisons ministérielles, pas même celui du romanesque de 1848 du sursaut de la commune,

C'était pour nous alors comme pour vous aujourd'hui, comme toujours pour la France, le souvenir de la Convention, la nostalgie de la ruée de tout un peuple vers son destin historique, la fraternité, mais la fraternité dans le combat et dans l'espoir.

C'est devant cette république là que le chef du gouvernement va présenter le projet de la nouvelle constitution.

Danton et Saint-Just proclamaient que la république est le contrôle du gouvernement par les élus du peuple,

Ils ne proclamaient pas qu'elle devait en être la paralysie. Le combat n'est plus l'épopée de jadis, mais il est de nouveau l'effort opiniâtre de tous.

L'espoir est immense même dans l'ordre de la justice, car de ce qui fut l'empire colonial de la IIIe république, la Ve va faire avec vous la communauté.

Le pays sait que la Ve république apporte avec elle une chance et un espoir, alors que la IVe ne portait plus en elle qu'échecs ou abandons.

Et vous ne vous laisserez arracher votre espoir ni par ceux qui ont intérêt à la faiblesse de la république, ni surtout par ceux qui crient là-bas parce qu'ils ont intérêt à la faiblesse de la France.

Les institutions deviennent ce qu'en font les nations. C'est à vous qu'il appartient de tenter de faire de la Ve république l'héritière de la Ire,

Ou l'héritière de la machine à crise ministérielle à laquelle Dien Bien Phu semblait annoncer une grande nuit funèbre.

Au-delà des textes juridiques, fussent-ils les meilleurs, et encore imparfaits comme le sont les textes et les hommes, vous choisirez entre la volonté de résurrection nationale et l'effacement de notre pays,

En réponse à un homme qui tient de l'histoire le droit de nous appeler en témoignage, mais dont l'entreprise ne peut tenir que de vous sa légitimité.

Nul ne peut refaire la France sans les français, et la république leur répète à tous ce que leur disait naguère la voix assourdie de la république exilée, je veux redevenir la France.

Parmi vous, nombreux sont encore ceux qui ont entendu nuit après nuit,

Ici Paris, le Paris de tous ces quartiers, depuis la Porte d'Italie jusqu'au rond-point de la Défense.

Ecoute pour la France, république de bronze, la réponse de la vieille nymphe glorieuse. Ici Paris ! Honneur et patrie !

Une fois de plus, français au rendez-vous de la république et au rendez-vous de l'histoire, vous allez entendre le général de Gaulle.


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