Jean Cocteau, un génie artistique éclectique

Toute sa vie, Jean Cocteau a connu beaucoup de succès mais aussi des déconvenues à la parution de ses œuvres.


Publié le 10/09/2013 • Modifié le 28/08/2025

Temps de lecture : 5 min.

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Une enfance avec « les Eugène »

Né en 1889 à Maisons-Laffitte, Jean Cocteau est issu d’une famille bourgeoise aisée et cultivée. Son père, Georges Cocteau, est un peintre-amateur qui initie son fils au dessin, un art que celui-ci affectionnera toute sa vie. il se suicide alors que Jean Cocteau n’a que neuf ans ce qui le marquera toute sa vie et influencera le tragique de ses œuvres. Sa mère, Eugénie Lecomte, va donc l’élever seule et la famille maternelle va prendre beaucoup d’importance, dont son grand-père Eugène. On retrouve d’ailleurs l’appellation « les Eugène » dans les caricatures du potomak et de celles illustrant la guerre.

Sa mère musicienne, mondaine et cultivée reçoit de nombreuses célébrités et la haute société, ce qui donne l’occasion à Jean Cocteau, dès son plus jeune âge, de rencontrer des personnes illustres et de voir des spectacles. Il assiste aux premières projections des frères Lumière et à des pièces données au théâtre du châtelet dont Le Tour du monde en 80 jours, va au cirque. Renvoyé pour indiscipline du lycée Condorcet, il rate à trois reprises son baccalauréat mais, à 15 ans il entre dans le monde littéraire. 

A 19 ans, Cocteau est déjà considéré comme un poète et fréquente les salons parisiens (Le Prince frivole). Le comédien De Max organise même un récital de ses poésies au théâtre Femina sur les Champs-Élysées.  En 1910, il est ébloui par les Ballets russes ;  il fait la connaissance de Stravinsky, Nijinski, et Serge de Diaghilev, le directeur de la troupe qui lui commande un argument de ballet mais Le Dieu bleu sera un échec.

un caractère singulier

Dès l’adolescence, Jean Cocteau présente un caractère ambivalent. D’une part, il est attiré par les salons mondains et les cercles artistiques, et apprécie d’y être admiré. D’autre part, il est un être hypersensible et fragile qui affectionne les univers clos. Au collège, il est fasciné par Dargelos, intelligent mais pervers (évoqué au début des Enfants terribles). Il est touché par la beauté masculine, il prend conscience de son homosexualité. Tous ces traits de caractère, auxquels s’ajoutent ses dons, en feront un artiste complexe.

Les deux guerres en résonance

Réformé à cause de sa fragilité, Jean Cocteau veut néanmoins participer d’une manière ou d’une autre à la Première Guerre mondiale En 1914, il devient infirmier dans un convoi sanitaire de la Croix-Rouge. Puis, en 1916, il est affecté sur le front au sein d’une équipe de secours aux blessés. Ces expériences le confrontent aux horreurs de la guerre qu’il va restituer dans Thomas l’Imposteur  et Le Potomak.

Durant cette période, il fait un baptême de l’air acrobatique en compagnie de Roland Garros, qui devient son ami et qu’il accompagne ensuite en reconnaissance au-dessus des lignes ennemies. Il lui dédie son œuvre poétique Le Cap de Bonne-Espérance.  

Lors de la Deuxième Guerre mondiale, Cocteau reste à Paris pendant l’Occupation, en compagnie de Jean Marais démobilisé. Comme bon nombre d’artistes, il continue à proposer ses œuvres au théâtre et au cinéma. Il n’adhère en rien aux doctrines de la puissance occupante mais ne cherche pas non plus à lui résister. Il fait même appel parfois à quelques intermédiaires collaborationnistes pour faire jouer ses pièces.

Cocteaumet ainsi en scèneLes Monstres sacrés, Le Bel Indifférent avec Edith Piaf, Les ParentsTerribles, La Machine à écrire, fait de Jean Marais une vedette dans L’Éternel Retour… Cocteau et Marais deviennent la cible du Parti Populaire Français et des critiques collaborationnistes, tels que Brasillach, Rebatet, Laubreaux (Je suis partout), essentiellement pour leur homosexualité ; ce dernier se fait « casser la figure » un soir par Jean Marais.

Si Cocteau se protège, il signe néanmoins dès mai 1940, une pétition de la Ligue internationale contre l’antisémitisme, est tabassé par des membres de la Légion des volontaires français pour avoir refusé de saluer leur drapeau. Il remue aussi ciel et terre  pour sauver Jean Genet de la prison et Max Jacob de Drancy. Mais son accueil d'Arno Breker, sculpteur du IIIe Reich, publié en mai 1942 noircira longtemps son image. A cause de cela, Cocteau passe devant les Comités d’épuration en 1944, il est blanchi grâce au soutien d’Aragon et Eluard.

Réussites et honneurs

Ses romans, pièces de théâtre, œuvres poétiques, illustrations sont connus et reconnus mais il devient célèbre grâce à ses films. Son premier film Le Sang d’un poèteest financé par Charles et Marie-Laure de Noailles. Puis, porté par Jean Marais qui devient une star, Jean Cocteau triomphe avec La Belle et la Bête, suivi de L’Aigle à deux têtes, des Parents terribles, desEnfants Terribles. Le film Orphée en 1950 est moins populaire mais applaudi par Les Cahiers du cinéma. Devenu une référence cinématographique, il préside le Festival de Cannes de 1953 puis celui de 1954. Trois ans avant sa mort, Cocteau tourneLe Testament d'Orphéegrâce au soutien financier de François Truffaut.

En 1925 à Villefranche-sur-Mer, Jean Cocteau lie connaissance avec la famille Bourgoint, qui va lui inspirer Les Enfants terribles. Il rencontre, chez le philosophe Jacques Maritain, Charles Henrion, disciple de Charles de Foucauld, qui le convertit au catholicisme

En 1950, Jean Cocteau est invité par les Weisweiller, héritiers de la compagnie pétrolière Shell, dans leur villa Santo Sospir de Saint-Jean-Cap-Ferrat. Autorisé par Francine Weisweiller et encouragé par Matisse, il dessine sur les murs blancs puis, au fil de ses visites, il finit par décorer entièrement la villa de fresques et de mosaïques sur des thèmes de la mythologie grecque ou de la Bible.

Le talent et la personnalité de Jean Cocteau sont enfin reconnus officiellement : il est élu à l’Académie Française en 1955 et ordonné Commandeur de la Légion d’Honneur en 1961. Juste après avoir appris la mort de son amie Edith Piaf, Jean Cocteau décède le 11 octobre 1963 à 74 ans dans sa maison de Milly-la-Forêt, où il est enterré dans la chapelle Saint-Blaise-des-Simples avec pour épitaphe « Je reste avec vous ».

Dates clés

  • 1889 : naissance à Maisons-Laffitte
  • 1898 : suicide de son père
  • 1955 : élu à l’Académie Française
  • 1961 : Commandeur de la Légion d’Honneur
  • 1963 : décès à Milly-la-Forêt

Amitiés et rencontres artistiques

  • Cocteau, acteur du siècle
    Depuis son enfance jusqu’à la fin de sa vie, les rencontres, amitiés et amours de Jean Cocteau ont une influence décisive sur sa personnalité et sur ses œuvres : Picasso, Daudet, Proust, Gide, Anna de Noailles, Péguy, Apollinaire, Aragon, Colette, Coco Chanel, Piaf… et encore beaucoup d’autres. A 20 ans, Proust, plus âgé et encore peu connu, remarque et admire Cocteau, dont les traits seront ceux d’Octave dans À la Recherche du temps perdu. A 25 ans, Cocteau fait la connaissance des artistes de l’avant-garde, dont Erik Satie, Max Jacob, Guillaume Apollinaire et Pablo Picasso qu’il fréquentera avec enthousiasme toute sa vie.
    L’auréole de Cocteau va susciter la jalousie du mouvement Dada et du groupe Littérature, dont fait partieBreton qui lui vouera une haine tenace.

Le Groupe des Six

Dans les années 1920, Cocteau et Satie influencent et fédèrent les compositeurs-musiciens du Groupe des Six (Auric, Durey, Honegger, Milhaud, Poulenc et Germaine Tailleferre), qui se produit en particulier au Bœuf sur le toit, cabaret en vogue. Cocteau se mêle également aux artistes de Montparnasse et fréquente la cantine de Marie Vassilieff où se retrouvent Modigliani, Léger, Picasso, Matisse

  • Le temps des ballets
    Cocteau est subjugué par Diaghilev, le créateur des ballets russes, et par ses spectacles mais désappointé par le peu de succès rencontré par le ballet Le Dieu Bleu auquel il a participé. Un soir de 1912, place de la Concorde, Diaghilev lui lance le fameux « Étonne-moi ! ». De fait, il bouleverse sa vie et sa façon de créer, il innove et affiche comme précepte « ce que le public te reproche, cultive-le, c’est toi » (Potomak). Il va désormais rechercher la modernité, ce qu’il prouve avec Le Sacre du printemps de Stravinsky, puis Parade avec des costumes et décors de Picasso et une musique de Satie. En 1920, Cocteau compose un ballet à la fois bouffon et poétique Le Bœuf sur le Toit, musique de Milhaud et décors de Dufy, avec pour vedettes les frères Fratellini. Puis, il conçoit, avec le Groupe des Six, un livret insolent et cocasseLes Mariés de la Tour Eiffel.

  • opium et œuvres majeures
    Après la mort en 1923 de Radiguet, auquel il était lié par un profond amour et dont il était le mentor, Cocteau anéanti se met à fumer de l’opium, pratique à laquelle il va s’adonner toute le reste de sa vie, malgré plusieurs cures de désintoxication. Celles-ci ont le don d’exacerber sa créativité : Opiumet Les Enfants terribles. Le roman Les Enfants terribles (1929) s’inspire du destin tragique des enfants de la famille Bourgoint, rencontrée lors d’un séjour à Villefranche-sur-Mer, qui a fortement impressionné Cocteau.


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