Paru en 1975, W ou le Souvenir d’enfance alterne récit fictionnel et contenu autobiographique, tous deux à la première personne. Georges Perec cherche à retrouver des souvenirs d’enfance.
De quoi parle W ou le Souvenir d’enfance ?
Le récit de fiction, écrit en italique, raconte comment un déserteur, Gaspard Winckler, doit affronter son passé oublié dans les ruines de l'île de W, dédiée au sport. La partie autobiographique, imprimé en caractères droits, revient sur l’enfance de l’auteur hanté par la Seconde Guerre mondiale et la mort de ses parents. Mais comment faire quand on n’a peu de souvenirs ? Perec tente de combler les trous de cette enfance oubliée et volée. Il fera une psychothérapie avec Françoise Dolto, puis suivra deux autres psychanalyses au cours de sa vie. L’autobiographie fait partie même de chacun de ses livres. En 1978, dans Je me souviens, l’auteur recense une quantité de souvenirs hétéroclites, fragments oubliés de la mémoire collective. Il vit l’écriture comme un quête identitiaire.
« J’écris parce qu’ils ont laissé en moi leur marque indélébile et que la trace en est l’écriture ; l’écriture est le souvenir de leur mort et l’affirmation de ma vie. »
Georges Perec
Les origines de son désir d'écriture
Si Perec a défini l'interrogation autobiographique comme l'une des composantes de son projet d'écriture, la volonté d'écrire a précédé – de peu il est vrai – celle d'écrire son histoire. Dans W ou le souvenir d’enfance (1975), Perec évoque le lien étroit qu’entretient son écriture avec la disparition de ses parents. L’œuvre de Perec est imprégnée par ce manque. Si la perte de son père se manifeste dans un semblant de matérialité – une tombe avec un nom lisible sur laquelle il se rendra en 1956 – celle de sa mère est une véritable disparition. Après le 11 février 1943 il n’existe plus aucune trace d’elle, pas même une sépulture. Perec est hanté par la perte de ses souvenirs : envoyé loin du danger et du drame, il a été exclu à la fois de l’Histoire et de son histoire personnelle. Il en est absent et il n’a pas de souvenir de cette cassure : « je n’ai pas de souvenirs d’enfance » écrit-il en ouverture de W. Quant à sa judéité, elle ne lui donne aucun sentiment d’appartenance à une communauté mais plutôt celui « de ne devoir la vie qu’au hasard et à l’exil » dit-il dans Récits d’Ellis Island (1979-1980) – l’unique fois où il s’étendra sur sa judéité.
Le refus de suivre une écriture autobiographique classique
Dans W ou le souvenir d’enfance où s’alternent fiction (une utopie satirique qui bascule progressivement dans l’horreur) et autobiographie, il se fait l’historien de sa propre histoire en reconstituant méthodiquement son enfance, mais il ne propose pas d’interprétation ou d’analyse. Le projet autobiographique de Perec n’est jamais clôturé, il ne s’arrête pas aux seuls ouvrages comme W ou le souvenir d’enfance, La Boutique obscure ou Je me souviens. Il forme une mosaïque disséminée dans presque toute son œuvre. Comme Perec le souligne lui-même, il a codé et introduit des données autobiographiques dans tous ses textes. Privé de racines et d’attaches, c’est dans la littérature que Perec a installé son foyer. Des auteurs qu’il admirait comme Flaubert, Kafka, Roussel, Queneau ou Leiris lui ont apporté une provenance. Si leur présence est récurrente dans son œuvre, par des reprises, des références ou des pastiches, Perec a néanmoins suivi son propre projet d’écriture.





