L'OuLiPo (l'Ouvroir de littérature potentielle) est né en 1960 de l'initiative de Raymond Queneau, écrivain féru de mathématiques et de François Le Lionnais, mathématicien passionné de littérature. Ce groupe qui ne se définit pas comme un mouvement littéraire, mais plutôt comme un atelier rassemble à la fois des littéraires et des mathématiciens.
L'exploration d'une nouvelle littérature
Le groupe travaille aux contraintes littéraires – systèmes régissant le processus de fabrication de l’écriture. Ces travaux se divisent en deux phases. La première recouvre l’exploration et l’inventaire de contraintes déjà existantes.
- Les oulipiens redécouvrent ainsi le lipogramme, texte où l’on bannit une ou plusieurs lettres ou encore le palindrome, mot ou phrase pouvant se lire dans les deux sens.
L’autre partie des travaux consiste en l’invention de nouvelles contraintes, comme la méthode du S + 7 :
- on remplace chaque substantif d’un texte existant par le septième substantif qui le suit dans le dictionnaire – L’Étranger de Baudelaire devient « l’étreinte ».
D’autres sont inspirées des mathématiques, par exemple :
- le « bicarré latin orthogonal d’ordre 10 » : une grille de 10 × 10 cases permettant de distribuer des éléments de façon non aléatoire – un modèle dont Perec se servira d’ailleurs pour structurer La Vie mode d’emploi.
En appliquant ses propres contraintes à celles déjà utilisées couramment, l’auteur oulipien peut investir des possibilités encore négligées du langage : les contraintes n’appauvrissement pas, elles sont au contraire une force de production. L’oulipien peut se définir, selon les mots mêmes du groupe, comme « un rat qui construit lui-même le labyrinthe dont il se propose de sortir ».
Georges Perec et l’OuLiPo
Perec entre à l’OuLiPo en 1967 et en deviendra un des membres les plus emblématiques. L’OuLiPo a joué un rôle fondamental dans sa vie et son œuvre. Il y a en effet trouvé un terrain fertile lui permettant d’explorer des processus formels d’écriture de plus en plus complexes. Membre très actif du groupe, il multiplie les exercices de type oulipien comme le palindrome, l’anagramme, le lipogramme ou sa forme contraire le monovocalisme, où une seule voyelle est autorisée (What a man !, Les Revenentes). Il approfondit progressivement ses recherches sur les contraintes et les modèles mathématiques, dont l’accomplissement sera La Vie mode d’emploi, en 1978.