L’engagement par l’art : la création sous l’Occupation

L’artiste Jean Lurçat  a parcouru le XXe siècle avec un engagement fort, traversant plusieurs conflits meurtriers, il témoigne, dénonce et résiste.

Publié le 10/03/2016 • Modifié le 12/12/2021

Temps de lecture : 2 min.

Écrit par Julie Guillemant, médiatrice culturelle et Benjamin Faguer, médiateur culturel

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Pendant la Seconde Guerre mondiale, la création artistique fut pour certains artistes un acte de résistance, une réponse à la barbarie. L’artiste Jean Lurçat (1892-1966) a parcouru le vingtième siècle avec un engagement fort. Traversant plusieurs conflits meurtriers, il témoigne, dénonce et résiste.

 

Des artistes engagés

Lorsque la Première Guerre mondiale éclate en 1914, Jean Lurçat a 22 ans. Il s’engage dans l’infanterie. Mais après une blessure, il est évacué du front en 1915.  C’est alors pour lui la fin du cauchemar. Les souvenirs liés à cette guerre resteront gravés à jamais. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il combat loin du front en s’engageant dans la Résistance française. Il se fait appeler Jean de Bruyère. C’est durant cette période qu’il crée la tapisserie « Liberté » inspirée d’un poème de Paul Éluard.

 

 

 

 

 

 

 

Jean Lurçat. 1963-1964 : photographies / Roger Pic. Bibliothèque nationale de France, département Arts du spectacle

Jean Lurçat et Paul Éluard ont côtoyé une génération d'artistes comme les Surréalistes. Issus de la même génération, ils ont tous deux traversé deux guerres mondiales, connu un engagement politique fort aux côtés du Parti communiste et pris une part active à la Résistance.

 

 

 

 

 

 

Paul-Eugène Grindel (Paul Éluard) vers 1911

C’est en 1942 que Paul Éluard écrit son poème « Liberté ». Son objectif est de créer une poésie qui frappe les esprits par sa ligne mélodique. Il veut que le texte soit facilement mémorisé afin d’être transmis oralement. Le rythme, dynamique, martèle les mêmes mots, et crie ce désir de liberté.

Les vingt strophes de Liberté sont parachutées par les avions anglais à des milliers d’exemplaires au-dessus de la France. L’année suivante, Lurçat insère des quatrains tirés de ce poème dans sa tapisserie réalisée clandestinement à Aubusson dans la Creuse, territoire occupé par les Allemands.

 

Liberté

Avant de se consacrer à la tapisserie dans les années 1930, Jean Lurçat est un peintre reconnu, apprécié pour ses qualités de coloriste. Ses œuvres relèvent de plusieurs influences, telles le cubisme ou le surréalisme. Ses œuvres tissées découlent quant à elles d’un travail en étroite collaboration avec les ateliers de tapisserie. L’artiste n’a jamais tissé lui-même ; il réalise le « carton », c’est-à-dire le modèle à taille réelle, seul ou avec des assistants, avec une connaissance fine des multiples possibilités du tissage.

 

Une fois le carton réalisé, celui-ci est installé sur le métier à tisser. Des fils de chaîne en coton sont tout d’abord tendus ; très solides, ces fils ont la longueur de la future tapisserie et constituent son squelette. Pour former les motifs, le licier passe le fil de trame, en laine et coloré, alternativement au-dessus et au-dessous des fils de chaîne. Au cours du tissage, le licier se réfère souvent au carton, placé sous les fils de chaîne.

 

 

 

 

 

LIBERTÉ -Jean Lurçat

Musées d'Angers - Musée Jean Lurçat et de la tapisserie contemporaine

 

La tapisserie Liberté est réalisée sous l’Occupation, en 1943. En revanche, l’œuvre des musées d’Angers est un deuxième tissage réalisé en 1946.

Sur un fond ocre jaune se détachent, au centre, deux astres passant l'un devant l'autre, telle une éclipse. Dans les quatre coins de la tapisserie, on peut lire des extraits du poème de Paul Eluard, Liberté : 

Sur les formes scintillantes/
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J’écris ton nom

Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l’orage
Sur la pluie épaisse et fade
J’écris ton nom

Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre, sang, papier ou cendre
J’écris ton nom

Sur les merveilles des nuits
Sur le bain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J’écris ton nom

Les derniers mots du poème viennent s'inscrire dans l'astre solaire :

Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Liberté
 

 

Le soleil rayonnant de flammes rouges apparaît comme générateur de vie et figure aussi l'espoir. En contraste, la guerre est peut-être représentée par l'astre sombre placé devant le soleil. Cette ombre contient des figures de crânes éparpillées, images de destruction et de mort. Le coq placé au-dessus du soleil revêt plusieurs significations, comme le coq français. Il est peut être ici une évocation de la victoire, un symbole triomphant de la Résistance face à l’Allemagne nazie. A travers cette œuvre, Lurçat affirme que la tapisserie, originellement décorative, est une surface monumentale qui peut porter et transmettre un message. Elle est engagée, « lourde [dans sa matérialité] et lourde de signification »

 

LES MUSÉES D'ANGERS

Les musées d'Angers publient une bnavbarande dessinée numérique à destination des 15-18 ans. À travers ce projet transmédia, les musées d'Angers souhaitent sensibiliser le grand public au destin des oeuvres d'art volées par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale.

Voir la bande dessinée Le Portrait d'Esther

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