L'œuvre de Jean Racine et le jansénisme


Publié le 15/10/2012 • Modifié le 16/05/2023

Temps de lecture : 2 min.

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Qu'est-ce que le jansénisme ?

Le jansénisme se fonde sur la pensée du théologien néerlandais Cornelius Jansen, dit Jansénius (1585-1638), dont l’œuvre principale, L’Augustinus, reprend la position de Saint-Augustin sur la grâce et la prédestination. L’homme, depuis le péché originel, est irrémédiablement corrompu, livré à l’amour de soi, s’adorant au lieu d’adorer Dieu. Seule la grâce divine peut sauver quelques élus, indépendamment du mérite ou des efforts humains. Personne, jamais, ne peut être assuré de son salut. L’homme est donc soumis à la prédestination.

L'influence janséniste chez Racine

Dominés par d’insatiables passions, nombre des héros de Racine illustrent l’emprise des trois concupiscences condamnées par Saint-Augustin. A la libido sentiendi, la recherche de satisfactions sensuelles, correspond la fureur amoureuse de Phèdre ou de Roxane. Néron (Britannicus), Agamemnon (Iphigénie), Athalie, Mathan (Athalie) incarnent la libido dominandi, amour du pouvoir, empire de l’ambition, de l’orgueil. La libido sciendi est un vain appétit de connaissances, une curiosité éperdue : « Ah ! Que vous enflammez mon désir curieux ! » s’exclame Assuérus (Esther) et Roxane, qui a entendu parler de Bajazet, éprouve le désir irrésistible de le voir.

Les passions des héros condamnés à l’insatisfaction s’exaspèrent, car Dieu seul pourrait véritablement combler leurs attentes. Le Dieu racinien est un dieu caché, incompréhensible, dont l’homme espère inutilement un signe. L’importance accrue de la fatalité dans Phèdre a pu donner lieu à une lecture janséniste de la pièce. Athalie, ultime tragédie de Racine, montre la quête vaine d’une manifestation divine et la nécessité d’obéir aveuglement aux desseins de la Providence.

Racine, un auteur janséniste ?

Mais, bien qu’il soit imprégné, depuis ses études à Port-Royal, de la pensée augustinienne, Racine ne peut être considéré comme un auteur janséniste. Port-Royal condamne toute forme de théâtre et, par le fait même d’écrire des tragédies, Racine se détourne de ses anciens maîtres. De plus, son pessimisme n’est pas aussi radical que celui des jansénistes pour qui l’humanité entière est déchue ; certains des héros de Racine demeurent purs et vertueux. Le retour de Racine au jansénisme est favorisé par son abandon du théâtre, et son vif attachement à Port-Royal se lit dans une œuvre écrite en secret, demeurée inachevée. L’Abrégé de l’histoire de Port-Royal, chronique apologétique du couvent, ne sera publié qu’au XVIIIe siècle, bien après la mort de Racine, celle de Louis XIV, et la destruction de l’abbaye.

Port-Royal, foyer des jansénistes en France

Mouvement religieux catholique, le jansénisme se développe au XVIIe siècle, particulièrement en France, et notamment à l'abbaye de Port-Royal, dans la vallée de Chevreuse (région parisienne).

La doctrine, formalisée en 1640 dans l'œuvre de l'évêque Jansénius (1585-1638), établit que la grâce de Dieu, nécessaire au salut de l'âme, est accordée ou refusée par avance, sans que les actions du croyant aient d'influence.

Port-Royal revendique l’indépendance de la conscience face à toute hiérarchie et la prédominance du spirituel sur le temporel. L’autorité de l’Eglise et l’absolutisme du pouvoir royal sont ainsi remis en cause. En 1656, cinq propositions de L’Augustinus de Jansénius sont alors condamnées par le pape Innocent X. Mais les religieuses de Port-Royal refusent de signer le formulaire qui les contraint à entériner ces condamnations et doivent quitter l'abbaye en 1664. Elles le signent finalement en 1669, mais les persécutions et les expulsions reprennent.

Racine prend ses distances avec les jansénistes

Jean Racine, élève pendant près de dix ans (1649-1658) des Solitaires de Port-Royal, a été influencé par l'enseignement que ces laïcs retirés du monde (souvent issus de la noblesse ou de la bourgeoisie) lui ont dispensé.

Racine se détache de Port-Royal au début de sa carrière : les jansénistes s’opposent violemment au théâtre, comme à tout divertissement qui détourne l’homme de Dieu. Entre 1664 et 1666, l’un de ses anciens maîtres, Pierre Nicole, traite, dans ses Lettres sur l’hérésie imaginaire, les romanciers et les dramaturges « d’empoisonneurs publics, non des corps, mais des âmes ». En 1666, Racine réplique par un écrit polémique Lettre à l’auteur des hérésies imaginaires.

La rupture avec Port-Royal dure jusqu’en 1677, année où Racine, devenu historiographe du roi, change de vie et renonce au théâtre. Il se rapproche alors des Solitaires, se rend à l’abbaye, intervient à la Cour en faveur du monastère.

A la fin de sa vie, alors qu’il rédige en secret un Abrégé de l’histoire de Port-Royal, Racine, accusé de jansénisme, frôle la disgrâce. Conformément à ses dernières volontés, il sera inhumé à Port-Royal.


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