« La Vie mode d’emploi » de Georges Perec : une œuvre totale

Chef-d'œuvre de Perec, cet ouvrage est l'accomplissement, après 9 ans de gestation, de sa virtuosité et de sa maîtrise des contraintes formelles d'écriture alliée à l'utilisation de modèles mathématiques.


Publié le 15/10/2012 • Modifié le 02/09/2024

Temps de lecture : 1 min.

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Un roman contruit comme un puzzle

Il retrace en 99 chapitres la vie d’un immeuble (un chapitre par pièce), avec ses habitants présents ou passés, leur histoire et les objets qui remplissent les différentes pièces. C’est une narration titanesque et une tentative d’épuisement du réel que Perec a judicieusement sous-titrée Romans. Elle est en réalité la somme d’une multitude de romans imbriqués où les genres se multiplient : policier, sentimental, fantaisiste ou sociologique. Avec l’exhaustivité, s’exprime également le goût de Perec pour l’inventaire. Il compile et dresse des listes d’objets hétéroclites, chaque chapitre commençant par une description minutieuse d’une pièce et de ses objets. Toutes ces histoires qui s’échafaudent en parallèle forment les pièces d’un puzzle : le roman dépasse le cheminement linéaire et chronologique –  son unité de temps tient dans l’instant de la mort d’un des personnages, Bartlebooth.
Cebuissonnement de détails et d’histoires se construit d’un axe narratif central. Il trace le portrait de trois personnages, avatars de la création :

  • Valène, doyen de l’immeuble et professeur de peinture,
  • Bartlebooth, richissime esthète et élève de Valène,
  • et enfin Winckler, artisan accompli.

Une narration basée sur un modèle mathématique et le jeu d'échec !

La Vie, mode d'emploi est une œuvre complexe est le fruit d’une mécanique solide. Pour construire son texte, Perec a élaboré un cahier des charges très précis : quarante-deux listes de dix éléments chacune (animaux, couleurs, personnalités, évènements, etc.). Ces listes sont associées à un modèle mathématique, le « bi-carré latin orthogonal d’ordre 10 », autrement dit une grille de 10 × 10 cases qui se superpose au plan de l’immeuble.
Ce modèle permet à Perec de répartir, dans chaque chapitre, les 420 éléments listés sans rien laisser au hasard et en évitant toute répétition. Pour passer d’un chapitre à un autre (donc d’une pièce à une autre), Perec a recours à un problème de logique lié aux échecs, qui impose au cavalier de parcourir toutes les cases de l’échiquier sans jamais repasser par la même : c’est l’algorithme – ou polygraphie – du cavalier.
► C’est une mécanique d’une redoutable efficacité qui permet de créer des histoires et des personnages riches d’une infinité de détails.

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