L’illusion romanesque de « Jacques le Fataliste et son maître »


Publié le 03/10/2013 • Modifié le 25/08/2025

Temps de lecture : 2 min.

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Le trio Jacques, son maître et le narrateur

  • Jacques et ses amours
    Denis Diderot s’applique ici à reprendre certaines caractéristiques du roman libertin en vogue au XVIIIe siècle. Le récit de Jacques le fataliste est sporadique, inséré par épisodes dans les étapes du voyage. Le narrateur s’attarde plus sur l’initiation sexuelle de Jacques que sur l’histoire d’amour entre Jacques et Denise.
« Jacques : (...) Le fait est qu’elle était fort déshabillée, et que je l’étais beaucoup aussi. Le fait est que j’avais toujours la main où il n’y avait rien chez elle, et qu’elle avait placé sa main où cela n’était pas tout à fait de même chez moi. Le fait est que je me trouvai sous elle et par conséquent elle sur moi. Le fait est que, ne la soulageant d’aucune fatigue, il fallait bien qu’elle la prît tout entière.»

L’auteur s’amuse à frustrer le lecteur ; il part de situations très réalistes et de l’ajout de commentaires salaces, puis il en interrompt brutalement le récit et se lance dans d’autres développements.

  • Le couple maître-valet 
    Diderot s’inspire aussi de la commedia dell Arte et des classiques de la comédie de mœurs pour le schéma du couple maître-valet (Sganarelle et son maître dans le Dom Juan de Molière). La connivence entre les deux personnages est forte et leur relation, très libre, s’éloigne des conventions sociales.
« Le maître : C’est que vous ne savez pas, notre hôtesse, que Jacques que voilà est une espèce de philosophe, et qu’il fait un cas infini de ces petits imbéciles qui se déshonorent eux-mêmes et la cause qu’ils défendent si mal. »
 
  • L’originalité du statut du narrateur
    Au fil du roman, Diderot, narrateur, ne cesse de révéler sa présence.  Ses interventions peuvent être directes – par exemple quand le narrateur s’interroge par sur les notions de destin et de liberté – ou être entrelacées dans l’un des multiples récits. À plusieurs reprises, Diderot rompt volontairement l’illusion romanesque et dénonce l’artifice de l’invention littéraire.
    Cette manière de procéder sera une des caractéristiques du Nouveau Roman (mouvement littéraire du XXe siècle, emmené par Robbe-Grillet) : la position du narrateur y est constamment interrogée ; l’intrigue et les personnages passent en second plan pour laisser la place à des expérimentations littéraires.

Les digressions romanesques

Les digressions romanesques constituent plus de la moitié du roman. Une vingtaine d’histoires s’articulent et se répondent autour de la trame centrale avec plus ou moins de cohérence.

  • L’histoire du marquis des Arcis et de madame de la Pommeraye
    Elle reprend le thème de la vengeance amoureuse et occupe une cinquantaine de pages. Denis Diderot s’inspire de l’une des histoires narrées par Robert Challe dans Les Illustres Françaises, publié en 1713. Le dramaturge allemand Schiller, contemporain des philosophes des Lumières, fut le premier à en faire une édition à part. Près de deux siècles plus tard, Robert Bresson en fait une adaptation cinématographique, Les Dames du Bois de Boulogne (1945).
  • L’histoire de l’abbé Hudson (douze pages d’un seul tenant) et celle du chevalier de Saint-Ouen (trente pages interrompues par des digressions esthétiques et morales)
    Elles ont un même thème : la perfection dans le mal. Toutes deux sont aussi, pour Diderot, l’occasion de décrire les bas-fonds de l’époque.
  • L’enfance – ou les initiations sexuelles – de Jacques
    Elle est racontée en un cycle de cinq historiettes comme Justine et les deux Bigre ou encore Suzon et le vicaire enfourché.
    Le narrateur conclut le cycle par l’éloge de l’obscénité en littérature sous l’angle du relativisme moral.
« Comment un homme de sens, qui a des mœurs, qui se pique de philosophie, peut-il s’amuser à débiter des contes de cette obscénité ? – Premièrement, lecteur, ce ne sont pas des contes, c’est une histoire, et je ne me sens pas plus coupable, et peut être moins, quand j’écris les sottises de Jacques, que Suétone quand il nous transmet les débauches de Tibère. Cependant vous lisez Suétone, et vous ne lui faites aucun reproche. »

Diderot enrichit la trame centrale d’un ensemble d’histoires courtes plus ou moins élaborées dont la fable de la Gaine et du Coutelet, le poète de Pondichéry, le cycle de Desglands… Elles reprennent en écho les thèmes évoqués précédemment.


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