Jacques le Fataliste parait initialement sous la forme d’un feuilleton entre 1778 et 1780 dans la revue de Melchior Grimm La Correspondance littéraire. Denis Diderot en conçoit l’idée en 1765 et continuera à l’étoffer jusqu’à la veille de sa mort. D’abord arrêtée à 125 pages, la pagination monte à plus de 200 pages en 1778 et 287 en 1783. La première édition française complète date de 1796 ; l’œuvre était alors déjà connue en Allemagne grâce à la traduction partielle de Schiller en 1785 et à celle, complète, de Mylius en 1792.
De quoi parle Jacques le Fataliste et son maître ?
Dans Jacques le Fataliste et son maître, Denis Diderot fait vivre les pérégrinations de Jacques, un valet, et de son maître. Ils chevauchent sur les routes et, pour combler l’ennui, Jacques entreprend l’histoire de son amour avec Denise. Le maître et le narrateur (l’auteur Diderot) interrompent régulièrement leur récit. Jacques lui même part dans des digressions. À leur arrivée dans une auberge, leur hôtesse puis le marquis des Arcis prennent part à la conversation et ajoutent leurs propres digressions.
C’est ensuite au tour du maître de nous conter ses amours avec Agathe. Le but de leur périple est enfin révélé : le maître doit aller reconnaître son fils naturel chez sa nourrice. La fin du voyage est en soi une suite de rebondissements. Arrivé chez la nourrice, le maître tue lors d’un duel son ancien rival, le marquis de Saint-Ouen, qui s’est joué de lui par le passé. Jacques est alors emprisonné à la place de son maître, en fuite.
Le roman d’un philosophe des Lumières
Diderot, par l’entremise de ses personnages et du narrateur (lui-même), brouille les pistes sur la nature de l’ouvrage qu’il livre aux lecteurs :
« Il est bien évident que je ne fais pas un roman, puisque je néglige ce qu’un romancier ne manquerait pas d’employer. »
« Rien n’est plus aisé que de filer un roman. Demeurons dans le vrai »
Jacques le Fataliste témoigne d’un trait caractéristique de Diderot : dans sa pensée, comme dans son style, il refuse le cloisonnement et se positionne en rupture avec les conventions. Il s’agit pourtant bien d’un roman, le genre littéraire le moins codifié : une histoire, avec un héros – Jacques, et une fin – même si la fin est au conditionnel : sorti de prison Jacques retrouverait son maître et Denise, qu’il finirait par épouser.
Le fil conducteur est sans doute l’adjectif « fataliste » accolé au héros, Jacques. Présenté comme fataliste, il ne cesse tout au long du récit de réagir aux événements en usant de sa liberté d’action. La plume du roman est tenue par Diderot, philosophe matérialiste. Pour Diderot, l’univers est un tout matériel où règne le déterminisme. L’homme doit s’y mouvoir et peut agir en s’appuyant sur l’expérience, ainsi que par une remise en cause systématique des présupposés et par une exigence de libre pensée.
Jacques le Fataliste ressort de la conception philosophique de son auteur et à ce titre peut être qualifié de roman philosophique.
Jacques le Fataliste et son maître, quelle postérité ?
Dans l’œuvre romanesque de Diderot, Jacques le Fataliste est celui qui a suscité le plus de commentaires et de débats, en raison de la complexité de la mosaïque mise en place entre réflexions philosophiques et récit d’aventures. Il a suscité de nombreuses adaptations, théâtrales et cinématographiques




