René Descartes a dit "Dieu créa le monde, mais les Hollandais créèrent la Hollande." Comment ? En construisant depuis plusieurs siècles des polders, terres conquises sur les eaux !
Les polders sont des terres obtenues en asséchant artificiellement la mer, un lac ou des marais. Elles sont excellentes pour la culture et l'élevage, cependant on y construit préférentiellement de nos jours, des villes et des villages. Aux Pays-Bas, environ un quart de la superficie totale est constitué par des polders.
Tout autour de la zone à assécher, des digues sont construites : le niveau du futur polder est alors plus bas que celui de l'eau à l'extérieur. L'évacuation et la maîtrise de l'eau dans le polder sont assurées par un système constitué de pompes à eau, de rigoles et canaux de drainage et d'irrigation. Lorsque l'eau a disparu, il reste une étendue de boue, dans laquelle on plante des roseaux ou des plantes halophiles (qui aiment le sel) pour terminer l'assèchement et la désalinisation.
La construction d'un polder s'étale sur plusieurs années.
Le mot "polder" apparaît à Walcheren, la plus avancée des îles de Zélande, en 1219 et, en trois siècles, de 1200 à 1500, 80 000 hectares sont gagnés sur la mer grâce au travail des associations de paysans. Au cours des siècles, l'étendue des terres conquises ne cesse de s'accroître. Ceci est possible grâce à la mise au point d'une technique de pompage actionné par des moulins à vent durant le XVIe siècle, à leur utilisation en chaîne à partir du XVIIe siècle, mais aussi à la mise au point de digues comportant des vannes de régulation et des écluses au cours du XVIIe siècle. Vers la fin du XIXe siècle, les pompes à vapeur remplacent les moulins à vent. Au XXe siècle, la vapeur fait place au diesel et à l'électricité.
Le polder de Beemster, qui est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO, est le plus ancien polder des Pays-Bas mis en œuvre à partir d'un lac dont l'eau fut pompée par des moulins à vent. Il se situe à moins trois mètres sous le niveau de la mer et se trouve au nord d'Amsterdam. Sa construction a duré trois ans : 1609-1612. Les travaux de gros oeuvre furent effectués à la pelle et à la pioche. L'assèchement des terres nécessita la construction d'une série de quinze moulins à vent. Les pieux des fondations pour les écluses et les moulins à vents étaient enfoncés à l'aide de dispositifs manuels utilisant 30 à 40 personnes.
Entre 1848 et 1852 on assècha grâce à des machines à vapeur un grand lac près de Haarlem. C'est là que se trouve aujourd'hui Schiphol, l'aéroport des Pays-Bas, à 4.5 mètres sous le niveau de la mer. Flevoland, la dernière province hollandaise conquise sur l'eau est située à l'est d'Amsterdam, entre moins cinq et moins quatorze mètres sous la mer! Les travaux d'assèchement débutèrent en 1932, par la construction de la digue de l'Afsluitdijk, littéralement "digue de fermeture", isolant la partie du futur territoire de la mer. Ils prirent fin en 1968.
Les Pays-Bas sont très concernés par le réchauffement climatique : "Le pôle Nord fond : les Pays-Bas seront inondés", titrait, le 13 décembre 2006, le quotidien De Telegraaf. La dernière grande inondation a eu lieu en 1953 lors d'une tempête en mer du Nord. Elle a fait 1800 morts et de gros dégâts matériels. Outre le danger de la montée des eaux, l'affaissement des terres provoqué par le pompage continu de l'eau est un autre facteur d'inquiétude : elles pourraient s'affaisser de 30 à 40 cm au cours des cinquante prochaines années. Pour prévenir le danger, un vaste programme de renforcement des digues est en cours.
Bien que typique de la Hollande, les polders existent dans divers endroits de la planète. Près de nous, on peut en rencontrer en France dans la région des Wateringues près de Dunkerque ou au bord du Rhin comme à Altenheim.
Enfin, la technologie de construction sur mer développée par les hollandais est à la pointe mondiale. Ainsi, c'est un sous-traitant hollandais qui réalise actuellement les Palm Islands à Dubaï.