Interview de Claude Singer, historien et responsable du service pédagogique au mémorial de la Shoah, à Paris.
Que veut dire « Holocauste » ?
C’est un mot surtout employé aux États-Unis, en Angleterre et même en Allemagne. Il fait référence à l’extermination des Juifs. Mais en France, on ne désigne pas cet événement par ce mot…
Pourquoi ne parle-t-on pas d’Holocauste en France ?
Parce que c’est un terme religieux qui évoque les sacrifices (par le feu) dans la Bible. Or, la persécution des Juifs entre 1939 et 1945, ça n’est pas ça. C’est la mise à mort de tout un peuple. En France, on parle de « Shoah », un mot hébreu qui signifie « catastrophe ».
Que désigne précisément la Shoah ?
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les nazis ont eu pour objectif de se débarrasser de la totalité des Juifs. De tuer les adultes, les vieillards, mais aussi les jeunes ! Sur les 5 à 6 millions de Juifs exterminés, 1,6 million ont été des enfants. En pleine guerre, tous les moyens ont été mis en œuvre pour acheminer ces personnes, en train, en camion, en bateau et même en avion, vers des camps à l’autre bout de l’Europe, afin de les tuer. Les convois étaient souvent prioritaires sur ceux des militaires. Il n’y a pas d’équivalent dans l’histoire : c’est un événement unique ! D’où ce mot « Shoah », qui singularise le sort des Juifs… Même s’ils n’ont pas été les seules victimes de la guerre.
Pourquoi un tel acharnement sur ce peuple ?
C’est une question que les enfants nous posent souvent. Les nazis avaient choisi des ennemis, les Juifs. Après, comment expliquer le délire de ces hommes ? C’est très difficile… Ce qu’il faut savoir c’est que la haine des Juifs existait bien avant l’arrivée d’Hitler au pouvoir en Allemagne, en 1933. L’impensable, c’est que les nazis sont passés du délire aux actes !
En quoi est-il si nécessaire d’entretenir le souvenir de la Shoah ?
Les nazis ont non seulement tués des Juifs, mais ils ont tout fait pour effacer les traces de leurs actes. Dans la culture juive, la mémoire est essentielle. Et, pour eux, lorsqu’il y a quelque chose d’extraordinaire qui se passe, il faut une réaction extraordinaire. Sans faire de morale, on espère aussi que ce souvenir engendre une réflexion sur la haine, la tolérance, le racisme…