24e Semaine de la presse et des médias dans l’École
Christine Spengler est une célèbre correspondante de guerre. Elle a photographié pendant plus de 40 ans les principaux conflits (Irlande du Nord, Vietnam, Afghanistan, Irak…) et ses images ont été publiées dans les plus grands magazines du monde. Elle a aussi écrit une autobiographie : Une femme dans la guerre. Pour la Semaine de la presse dans l’École, elle a accepté de parler de son travail.
Pensez-vous qu’une photo en dit davantage qu’un article ?
Non. Mais la photo est une preuve incontestable. Les journalistes peuvent écrire leur article de leur chambre d’hôtel. Les photographes, eux, sont obligés d’être sur le terrain pour témoigner. Et puis, malheureusement, une guerre existe si on voit des images à la télévision ou des photos.
Est-ce qu’une photo déforme la réalité ?
Non si le photographe utilise un appareil avec une pellicule. Aujourd’hui, on peut tricher avec le numérique. Il permet de retoucher les images, mettre davantage de sang, ajouter une arme. Le grand témoignage est donc terminé. C’est pour cela que j’ai toujours travaillé avec de la pellicule et que je continuerai aujourd’hui si on m’envoie à nouveau dans un pays en guerre.
Les photos de guerre prises par une femme sont-elles différentes de celles prises par un homme ?
Malgré le danger, une femme a beaucoup d’avantages. Elle peut plus facilement cacher son appareil sous un voile, et elle est acceptée aussi bien par les femmes que par les combattants et les chefs d’Etat les plus terribles. Le regard féminin est plus tendre. J’ai toujours su voir et photographier l’espoir au milieu des ruines. Une de mes photos les plus célèbres montre un soldat qui fouille des enfants déguisés pour le carnaval. C’était en Irlande du Nord en 1972.
Christine Spengler photographie ces enfants après la mort de 14 personnes dans une manifestation. C’était en 1972, en Irlande du Nord/ crédits Ch. Spengler/CORBIS
Quel est le piège à éviter quand on est photographe de guerre ?
Faire du sensationnalisme en photographiant des morts. C’est plus facile que de faire des images de victimes qui souffrent dans un bombardement ou à l’hôpital. Lorsque les gens regardent des photos en couleurs inondées de sang, ils ne se sentent pas concernés. Mes photos en noir et blanc sont plus pudiques et finalement plus émouvantes. Elles ont déjà fait pleurer. J’ai choisi d’émouvoir plutôt que de choquer avec des morts.
Propos recueillis par Élise Bernind