Femmes et médias d’information
Les médias ne renvoient pas toujours de la société une image qui reflète la réalité. Ce constat est particulièrement vrai de la place des femmes dans l’information, où elles souffrent encore d’une sous-représentation et d’une abondance de stéréotypes.
Au cours de la présentation à la presse de la saison de France Télévisions fin août 2012, un collectif féministe, La Barbe, s’empare du micro pour ironiser sur la « juste prédominance masculine à l’antenne » et dénoncer l’absence de parité femmes-hommes sur les plateaux. En outre, depuis quelques années, rapports et études se succèdent pour déplorer la persistance de clichés sexistes dans les médias d’information. Il n’y aurait donc pas que dans les sitcoms, les pubs ou les jeux vidéo que l’image de la femme serait mise à mal. Quotidiens, journaux télévisés et matinales radio comporteraient, eux aussi, leur part d’ombre dans ce domaine.
Trois hommes pour une femme
Plus souvent observée, la télévision donne d’emblée le ton. Dans une étude menée en 2008 sur la diversité présente à l’antenne, le sociologue Éric Macé, indexant dans chaque émission toutes les personnes et tous les personnages qui apparaissent à l’écran, constate que les femmes ne représentent que 37 % des cas. Une sous-représentation qui n’est démentie que dans deux cas : la publicité et la présentation des JT. Or l’information elle-même est un domaine où les femmes sont sousreprésentées. La plupart des 108 pays dont les médias ont été analysés en 2009 par le Projet mondial de monitorage des médias (GMMP) suivent la même tendance : en dépit de quelques progrès, les femmes représentent moins du quart (24 %) des personnes figurant dans les informations. La disparité est écrasante lorsque les reportages évoquent le monde du travail : les femmes ne sont majoritaires que dans deux catégories sur vingt-cinq, lorsqu’elles sont étudiantes… et femmes au foyer. La place des femmes dans l’information n’est pas plus assurée lorsqu’on leur donne la parole comme « experte ». Un récent rapport de la Commission sur l’image des femmes dans les médias (2011) montre qu’elles ne représentent que 18 % des experts consultés dans les médias, un taux abaissé à 14,6 % dans la presse hebdomadaire « généraliste », où les hommes bénéficient de sept fois plus de citations, neuf fois plus de photos et six fois plus d’interviews. La télévision ne fait pas mieux entendre les femmes, leur temps de présence n’est que de 5 % lors de la semaine étudiée, et leur temps de parole de 2 % !
Le genre de l'info
Aux infos, les femmes sont davantage des témoins que des expertes. Et encore ! Peu nombreuses dans les reportages sur des sujets importants comme la politique et l’économie (20 % des cas), elles sont bien plus présentes en tant que victimes d’accidents, de catastrophes naturelles ou de violences familiales. Leur identité est aussi relative : lors de leur apparition à l’écran, les noms et prénoms des hommes sont quatre fois plus cités que ceux des femmes. En revanche, l’âge de ces dernières est mentionné dans 22 % des cas, deux fois plus que pour les hommes. Le plus souvent « invisibles », anonymes, épouses ou filles de, les femmes assument dans l’information des rôles stéréotypés qui ne correspondent pas à la place qu’elles occupent dans la société. Quand elles sont mises en avant dans le discours médiatique, Marie-Joseph Bertini (Femmes. Le Pouvoir impossible, Pauvert/Fayard, 2002) montre qu’elles sont souvent rapportées à cinq figures : la muse, la madone, la mère, l’égérie et la pasionaria. Chambre d’écho essentiel du sport, les médias n’offrent pas une meilleure visibilité aux sportives. Se souvient-on qu’afin de bénéficier d’une couverture médiatique, les joueuses de l’équipe de France féminine de football, aujourd’hui célèbres, avaient posé nues en 2009 sous la question « Faut-il en arriver là pour que vous veniez nous voir jouer ? » ?
Journaliste, un métier d'hommes ?
L’histoire des médias et le modèle économique de la presse en France sont peut-être à l’origine de cette masculinisation de l’information. Depuis sa création, la presse d’information est en effet destinée aux hommes, tandis que les femmes n’ont eu accès qu’à une presse spécialisée. L’émancipation de la femme au xxe siècle et la démocratisation des comportements culturels n’ont guère modifié ces cloisonnements : comme l’a montré Sylvie Debras (Lectrices au quotidien, L’Harmattan, 2003), les femmes, pourtant grandes lectrices, ne se reconnaissent pas dans des quotidiens qui, visant un lecteur universel masculin, privilégient la politique et le sport ; elles se portent encore vers une « presse féminine » où elles trouvent des informations plus conformes à leurs attentes. Et puis, à bien y regarder, la place des femmes dans les rédactions de presse souligne une autre inégalité. S’il y a peu ou prou autant de femmes que d’hommes dans les rédactions (45 % de détentrices de la carte professionnelle), elles occupent en revanche des postes beaucoup plus précaires (57 % des pigistes), à faible pouvoir, contrairement aux hommes qui eux ont de grandes responsabilités : seulement 18 % des directeurs sont des « directrices ». Aux journalistes hommes les sujets dits à « valeur ajoutée » (politique, économie…), aux femmes ceux qui concernent la consommation, la vie quotidienne, les loisirs. Les « nouveaux médias », forts d’une image de modernité, amorcent-ils un renversement de tendance ? Selon l’étude GMMP sur les sites d’infos de seize pays, les femmes constituent 23 % des sujets d’articles et 36 % des journalistes…
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