Le surréalisme : Amalia ft. Paul Eluard

Athéna Sol te propose de décortiquer un poème de Paul Eluard. Intitulé « Je t'aime », il a été écrit au milieu du XX^e siècle et appartient au surréalisme. Ce mouvement, né après la Première Guerre mondiale, porte l’espoir d’un monde nouveau, balayant les valeurs d’un monde violent et immoral. C'est dans ce même esprit que l'artiste marseillaise Amalia propose des freestyles pour exprimer sa perception du monde. La rencontre était prédestinée... Prêt à être émerveillé ?

« Je t'aime » de Paul Eluard

Ce sonnet de Paul Eluard (1895-1952) est librement interprété par la rappeuse Amalia.

Je t'aime pour toutes les femmes que je n'ai pas connues 
Je t'aime pour tous les temps où je n'ai pas vécu 
Pour l'odeur du grand large et l'odeur du pain chaud 
Pour la neige qui fond pour les premières fleurs 
Pour les animaux purs que l'homme n'effraie pas 
Je t'aime pour aimer 
Je t'aime pour toutes les femmes que je n'aime pas 
 
Qui me reflète sinon toi-même je me vois si peu 
Sans toi je ne vois rien qu'une étendue déserte 
Entre autrefois et aujourd'hui 
Il y a eu toutes ces morts que j'ai franchies sur de la paille 
Je n'ai pas pu percer le mur de mon miroir 
Il m'a fallu apprendre mot par mot la vie 
Comme on oublie 
 
Je t'aime pour ta sagesse qui n'est pas la mienne 
Pour la santé 
Je t'aime contre tout ce qui n'est qu'illusion 
Pour ce cœur immortel que je ne détiens pas 
Tu crois être le doute et tu n'es que raison 
Tu es le grand soleil qui me monte à la tête 
Quand je suis sûr de moi. 

Le surréalisme : la libération de l’art et de la poésie en libérant la conscience 🔥 

• Le contexte historique : le surréalisme est né après la Première Guerre mondiale et porte l’espoir d’un monde nouveau, balayant les valeurs d’un monde violent et immoral. C'est une révolte : l’idée est de libérer le langage, libérer l’art et la poésie en libérant la conscience.

• Les figures de la poésie surréaliste : Aragon,Breton,ApollinaireouÉluard. Les poètes s’inspirent des travaux de la psychanalyse, et ont une fascination pour la thématique du rêve et de l'inconscient, qui permettraient de connaître nos pensées profondes. Tout dire dans tous les sens, sans se préoccuper de rien. Le résultat est un peu chaotique, mais stylé car libre et cela fait du bien. André Breton écrit d'ailleurs que le surréalisme est un « automatisme psychique pur, par lequel on se propose d'exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière le fonctionnement réel de la pensée ». Donc, on laisse libre cours à nos pensées, et il ajoute qu'on ne doit même pas se soucier ni de la raison, ni de la beauté, ni de la morale.

• Il faut voir le surréalisme comme des expériences. Les poètes s’amusent à faire des petits jeux pour sonder leur inconscient. Comme l’écriture automatique. Il s’agit d’écrire le plus vite possible, sans réfléchir à ce que l’on est en train de faire. Ça nécessite de lâcher prise, d’être dans un état presque second ; il leur arrive d’ailleurs d’écrire sous hypnose.

Analyse du poème « Je t'aime » de Paul Eluard

Le poète propose un magnifique poème d’amour ❤️. C’est un poème en vers libres, autrement dit sans rimes, et hétérométrique, les vers ne sont pas réguliers.

• Forme du poème : pour exprimer une libération de la poésie et du langage. Quand on se laisse aller à une écriture spontanée, qui découle librement de notre conscience, on ne fait pas de rimes. La première strophe se distingue par ses anaphores (répétition d'un mot ou un groupe de mots en chaque début de phrase ou de proposition). Ici, il y a une anaphore en « je t’aime » et en « pour » qui crée un rythme musical. Le premier et le dernier vers de la strophe se font écho, ça crée un effet de bouclage, comme si la strophe se refermait sur elle-même, comme un cocon, peut-être le cocon amoureux de Paul Eluard et de sa compagne, Dominique. 

• Le poème est typique du surréalisme parce qu’il joue sur l’alliance des contraires, il convoque un imaginaire particulier qui permet à des éléments opposés de coexister. Il propose ainsi l’existence d’un monde qu’on pensait impossible. Regarde toutes les antithèses, ou plus largement, toutes les oppositions dans le texte. Il unit ainsi ce qui semblait inconciliable et présente ainsi l’amour comme quelque chose de fou ! C’est justement la vision surréaliste de l’amour. L’amour se doit d’être fou, passionné, déraisonné.
  ► Je t’aime / je n’aime pas
  ► Les animaux / l’homme
  ► La mort / la vie
  ► Apprendre / oublier
  ► Ta sagesse / qui n’est pas la mienne
  ► Le doute / la raison
  ► Je t’aime pour / je t’aime contre  

La figure de la femme aimée : une entité énigmatique

• Puissante : elle a des pouvoirs. Grâce à elle, le poète voit, grâce à elle, le poète est euphorique, il se sent invincible et sûr de lui. La femme devient ici une puissance évocatrice plus qu’une humaine : elle fait surgir des images et des sensations : l’odeur du pain, les couleurs des fleurs.

• Intemporelle : la métaphore du miroir fait d’elle une image, un reflet insaisissable. Elle semble traverser le temps « entre autrefois et aujourd’hui » et la mention centrale de la mort peut, à juste titre, inquiéter et inviter à la voir comme une sorte de spectre, comme une présence fantomatique qui l’accompagnerait partout.

• Divinisée : l’évocation de la sagesse et de son cœur immortel dans la dernière strophe accentue son immatérialité.

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