Baudelaire chef de file de la poésie moderne
Charles Baudelaire naît le 9 avril 1821 à Paris. On le considère souvent comme un héritier du romantisme mais aussi et surtout comme un précurseur du symbolisme. Il ouvre une troisième voie : la poésie moderne. De Musset, il hérite du « mal du siècle », de « l’ennui », du « vague des passions », ainsi que d’une attirance pour la maladie et les affres de la création poétique. Lyrisme, égotisme et dandysme sont également des données venant de la génération romantique. Dans ses écrits, il aborde des thématiques nouvelles comme la ville et la laideur. Il parle également de voyages et d'ivresse.
Du romantisme, il tient son goût pour ce qui est sombre, la maladie et pour la thématique de la passion.
Du symbolisme, il considère que le monde sensible doit être déchiffré pour accéder à une vérité supérieure.
Sous certains aspects, il se rapproche aussi du Parnasse, parce qu’il considère que la forme doit primer sur le fond en poésie. La Beauté est de la plus haute importance. Dans sa vie de tous les jours, il cultive l’esthétique dandy, pour lui, la poésie a le pouvoir d’idéaliser le réel.
Baudelaire : les dates clés
- 1821 : Naissance de Charles Baudelaire à Paris. Son père, François Baudelaire, prêtre défroqué pendant la Révolution, ancien précepteur, retraité du Sénat, a soixante-deux ans ; Caroline Dufaÿs, sa mère, en a vingt-huit. Veuve, en février 1827, elle se remarie, fin 1828, avec le commandant Jacques Aupick. Avec des valeurs militaires et bourgeoises, il est promis à une brillante carrière : général de brigade, puis de division, aide de camp du duc d’Orléans, il finira sa carrière ambassadeur et sénateur. / Mort de Napoléon /Joseph de Maistre publie Les Soirées de Saint-Pétersbourg et Thomas De Quincey, Confessions d’un mangeur d’opium anglais.
- 1830 : Victor Hugo publie Hernani et Lamartine Harmonies poétiques et religieuses.
- 1831 : Pensionnaire à Lyon, où Aupick a été muté à la fin de 1831.
- 1831 : Révolte des canuts à Lyon / Delacroix peint La Liberté guidant le peuple.
- 1936 : Baudelaire, revenu à Paris, est interne au collège Louis-le-Grand. Élève plutôt brillant, il est expulsé pour indiscipline en 1839 mais reçu, quelques mois plus tard, au baccalauréat. Heureux en famille, la vie de Baudelaire change après sa sortie du lycée. Il contracte une maladie vénérienne, multiplie les dettes, mène une vie apparemment oisive (il écrit, sans les publier, plusieurs poèmes qui feront partie du recueil des Fleurs du Mal). Le général et Mme Aupick lui imposent une croisière à destination de Calcutta. Mais Baudelaire écourte son voyage, débarque à l’île Bourbon et rentre à Paris.
- 1842 : Baudelaire est majeur, il reçoit l’héritage de son père, environ 100 000 francs-or dont il dilapide près de la moitié en deux ans / Mort du duc d’Orléans, héritier du trône.
- 1844 : Baudelaire est mise sous tutelle, ce qui met fin à l’unique période heureuse de sa vie d’adulte. Bientôt, son mode de vie ainsi que la persistance à refuser toute activité en dehors de la littérature entraînent une rupture complète avec le général Aupick et les relations avec sa mère, qu’il aime intensément, sont très conflictuelles.
- 1845 : Baudelaire devient critique d’art avec le Salon de 1845 et le Salon de 1846 où, à vingt-cinq ans, il expose sa propre esthétique. Il publie aussi, dans des revues, des articles de critique littéraire de 1856 à 1865, des poèmes, ainsi qu’une nouvelle, La Fanfarlo / Wagner compose Tannhaüser.
- 1848 : Charles Baudelaire devient le traducteur attitré d'Edgar Allan Poe(1809-1849) et donne des traductions et une étude de l’écrivain américain dans des revues, avant de les publier en volumes. Il voit en lui un maître à penser et un jumeau spirituel. / Pendant la révolution de février 1848, Charles Baudelaire est sur les barricades. Louis-Philippe abdique. Louis-Napoléon Bonaparte est élu président de la République / Mort de Chateaubriand.
- 1849 : Mort d’Edgar Allan Poe.
- 1850 : Mort de Balzac.
- 2 décembre 1851 : rétablissement de l’Empire. Louis Napoléon Bonaparte devient Napoléon III. Baudelaire se dit « dépolitiqué ». / Malgré une liaison tumultueuse avec Jeanne Duval, ancienne figurante de théâtre, qu’il entretient et ne voudra jamais abandonner, et de fidèles amitiés (Théodore de Banville, l’éditeur Poulet-Malassis ou l’écrivain Charles Asselineau), Baudelaire souffre d’un sentiment de solitude croissant. Les mensualités produites par la gestion du reste de sa fortune ne suffisent pas au poète toujours à court d’argent et qui en gagne rarement. Les difficultés matérielles, les souffrances morales et physiques l’exaspèrent et usent ses forces.
- 1855 : Exposition universelle à Paris. / Baudelaire rédige Curiosités esthétiques, Exposition universelle, 1855. Une étude sur le regard du spectateur publié en 1868. Pour Baudelaire, il en ressort que « Le beau est toujours bizarre ».
- 1856 : Baudelaire publie ses traductions et son étude sur Poe en volumes dans Histoires extraordinaires.
- 1857 : Charles Baudelaire publie Les Fleurs du Mal. Le recueil est jugé immoral et, à l’issue d’un procès, l'auteur et ses éditeurs sont condamnés à des amendes et à la suppression de six poèmes, condamnation douloureuse mais littérairement fructueuse puisque, pour compenser cette perte, Baudelaire se remet au travail. Après la mort de son beau-père, en 1857, les relations avec Mme Aupick s’améliorent et Baudelaire caresse l’idée de s’installer définitivement chez sa mère, à Honfleur. Pendant ce temps, Gustave Flaubert publie Madame Bovary.
- 1861 : Deuxième édition des Fleurs du Mal. Le recueil compte trente-deux nouveaux poèmes, dont Le Cygne et Le Voyage. Entre-temps, Baudelaire a commencé à faire paraître, dans les journaux, des poèmes en prose, et a publié Les Paradis artificiels. C'est une étude sur les excitants (vin, opium et hachisch). Il continue aussi de publier des articles et ouvrages de critique d’art, abordant même la critique musicale avec une étude sur Richard Wagner.
- 1862 : Victor Hugo publie Les Misérables.
- 1863 : Mort d’Eugène Delacroix. Manet peint Le Déjeuner sur l’herbe.
- 1864 : Baudelaire s'exile à Bruxelles avec l’espoir de gagner de l’argent grâce à des conférences et de publier l’ensemble de son œuvre. Il échoue, développe une haine violente contre la Belgique qui s’exprime dans une ébauche de pamphlet : Pauvre Belgique !
- 1866 : Son état de santé se dégrade et, en mars 1866, des troubles cérébraux se déclarent ; aphasique et hémiplégique. Quatre mois plus tard, il est ramené à Paris et installé dans une maison de santé. Baudelaire y mène une vie végétative, sans pouvoir travailler, lire ni parler, jusqu’au 31 août 1867, jour de sa mort. Son œuvre n’est alors appréciée que d’un cercle restreint d’hommes de lettres.
- 1869 : Publication postume Le Spleen de Paris, un recueil de poésie en prose.
- 1949 : La Cour de cassation annule la condamnation du procès de 1857 et réhabilite les Fleurs du mal.
Le langage poétique de Baudelaire
Des règles strictes : il prône le respect de la versification : en cela, il est en rupture avec les romantiques. Baudelaire n'est pas partisan de la poésie libre, qui s’affranchit des règles de la versification.
La brièveté : là où Victor Hugo voulait révolutionner le « vieux dictionnaire », l’alexandrin et proposait des poèmes très longs, Baudelaire, lui, considère que la contrainte en poésie est de la plus haute importance parce qu’elle est une langue supérieure qui permet de faire surgir des idées en peu de mots. La brièveté et les règles strictes permettent au poète d'atteindre un langage poétique doté d’une réelle force évocatrice.
Parce que la forme est contraignante, l’idée jaillit plus intense.
Charles Baudelaire
Si, à partir de 1855, Baudelaire publie des poèmes en prose dans la presse, le recueil, pour lequel les éditeurs retiendront soit le titre de Petits Poèmes en prose, soit Le Spleen de Paris, ne paraît, inachevé (50 poèmes au lieu des 100 prévus), qu’après sa mort.
Baudelaire considérait ces poèmes, qui en reprennent les grands thèmes, comme un « pendant » des Fleurs du Mal ; neuf textes sont même des doublets explicites de poèmes en vers. Mais, contrairement aux Fleurs du Mal, Le Spleen de Paris n’est pas structuré, chaque texte constitue un tout autonome, discontinuité qui répond à la volonté de traduire les multiples suggestions de la vie urbaine, les rencontres fortuites offertes à un promeneur parisien. Ayant le sentiment d’avoir atteint, avec Les Fleurs du Mal, les limites de la poésie traditionnelle, Baudelaire cherche une langue nouvelle, une « prose poétique, musicale, sans rythme et sans rime » qui s’adapte aux mouvements de l’âme, aux « soubresauts de la conscience ». Poésie de la modernité qui ne doit plus rien à la tradition, Le Spleen de Paris privilégie « le transitoire, le fugitif, le contingent », cette moitié de l’art dont l’autre moitié est, selon Baudelaire, constituée d’un élément éternel et invariable.
- Par ailleurs, le travail sur les synesthésies sera au centre de la poésie symboliste dès 1870 chez Rimbaud, Verlaine et Mallarmé qui inventent des réseaux de correspondances symboliques entre les cinq sens, en utilisant les figures d’analogie telles que la comparaison et la métaphore déjà très présentes chez Baudelaire.
Qu’a changé Charles Baudelaire à la littérature ?
- Contemporain de Victor Hugo, Charles Baudelaire a une relation ambigue, il est à la fois fasciné par ce monstre littéraire mais le trouve aussi quelque peu dépassé. Il faut dire que l'auteur des Fleurs du mal ne s’arrête pas à cette définition du romantisme et s’oriente vers un romantisme noir. Pour lui, comme pour le courant du Parnasse, la versification est essentielle et c’est important de la respecter. Son approche préfigure le symbolisme, allant chercher dans les tréfonds de notre intérieur les sentiments et les émotions les plus sombres. En cela, il a ouvert les portes du spleen.
- C’est comme traducteur d’Edgar Poe que Baudelaire fut surtout apprécié de son vivant, Les Fleurs du Mal restant marquées par l’aura de scandale découlant du procès et de la condamnation du poète auquel s’attachait, par ailleurs, une légende négative tenace. Avant la mort de Baudelaire, Verlaine, Mallarmé, le poète anglais Swinburne et, tout de suite après sa mort, Théodore de Banville, avaient salué son importance novatrice et son génie. Jusque vers 1917 (année après laquelle l’œuvre, tombée dans le domaine public, fut largement rééditée), Baudelaire fut essentiellement apprécié par des écrivains et des artistes, la critique universitaire demeurant généralement hostile. Mais en 1924, Paul Valéry écrit qu’avec Baudelaire « la poésie française sort enfin des frontières de la nation. Elle se fait lire dans le monde ; elle s’impose comme la poésie même de la modernité ». (Situation de Baudelaire). A la fin du XIXe siècle, né un mouvement parallèle au symbolisme qu’on appelle « le décadentisme ». La « littérature décadente », incarnée par des figures emblématique de Huysmans et Barbey d’Aurevilly, affiche un goût prononcé pour le mal, la maladie, la mort, l’érotisme. Cette génération « fin de siècle », inspirée par les écrits nihilistes de Schopenhauer, revendique l’héritage baudelairien. Depuis, le succès posthume de Baudelaire ne cessa de croître, et son œuvre, à la fois poétique et critique, amplement traduite, lue dans le monde entier, suscita – et continue de susciter – d’innombrables essais et travaux de recherche.
- La richesse et la complexité d’une poésie qui allie le goût de la perfection formelle à la quête de l’inconnu font de Baudelaire l’initiateur des divers courants de la poésie moderne : Mallarmé et Valéry prolongent la volonté de rigueur et de pureté poétique ; de Rimbaud, qui qualifie Baudelaire de « voyant » (« Baudelaire est le premier voyant, roi des poètes, un vrai Dieu », lettre à Paul Demeny, 15 mai 1871), aux surréalistes en passant par Lautréamont, les modernes poursuivent, avec l’extension des perceptions et l’élargissement du champ de la poésie, l’exploration du gouffre commencée par Charles Baudelaire.
Ce qu’il faut retenir
- Le style : Baudelaire est inclassable, proche des romantiques par la thématique, du poème, du symbolisme pour sa vision du monde, du Parnasse par sa recherche du Beau.
- Du symbolisme : il annonce Mallarmé, Verlaine et Rimbaud et leur monde supérieur.
- Du Parnasse : il cultive l'esprit dandy et le respect de la versification.
- Du romantisme : il empreinte les thématiques du romantisme noir et se mesure à Victor Hugo.
- L'écriture : Il attache une importance particulière à la versification et à la concision. La brièveté et les règles strictes sont, selon lui, nécessaires pour atteindre un langage poétique puissant.
- Charles Baudelaire a aussi écrit des poèmes en prose, et se détache par conséquence de la tradition.
- Les thèmes : Popularisation du terme « spleen » qui fait écho à un dégoût de tout, à un état mélancolique. La conséquence ? L’ennui devient alors l’ennemi à abattre parce qu’il permet au spleen de s’installer.
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