Qui était Charles Baudelaire ?
Charles Baudelaire naît le 9 avril 1821 à Paris. Son père, François Baudelaire, prêtre défroqué pendant la Révolution, ancien précepteur, retraité du Sénat, a soixante-deux ans ; Caroline Dufaÿs, sa mère, en a vingt-huit. Veuve, en février 1827, elle se remarie, fin 1828, avec le commandant Jacques Aupick. Avec des valeurs militaires et bourgeoises, il est promis à une brillante carrière : général de brigade, puis de division, aide de camp du duc d’Orléans, il finira sa carrière ambassadeur et sénateur. En 1831, il est pensionnaire à Lyon, où Aupick a été muté. Revenu à Paris en 1936, Baudelaire est interne au collège Louis-le-Grand. Élève plutôt brillant, il est expulsé pour indiscipline en 1839 mais reçu, quelques mois plus tard, au baccalauréat. Heureux en famille, la vie de Baudelaire change après sa sortie du lycée. Il contracte une maladie vénérienne, multiplie les dettes, mène une vie apparemment oisive (il écrit, sans les publier, plusieurs poèmes qui feront partie du recueil des Fleurs du Mal). Le général et Mme Aupick lui imposent une croisière à destination de Calcutta. Mais Baudelaire écourte son voyage, débarque à l’île Bourbon et rentre à Paris. En 1842, majeur, il reçoit l’héritage de son père, environ 100 000 francs-or dont il dilapide près de la moitié en deux ans. En 1844, il est mis sous tutelle, ce qui met fin à l’unique période heureuse de sa vie d’adulte. Bientôt, son mode de vie ainsi que la persistance à refuser toute activité en dehors de la littérature entraînent une rupture complète avec le général Aupick et les relations avec sa mère, qu’il aime intensément, sont très conflictuelles.
Il devient critique d’art avec le Salon de 1845 et le Salon de 1846 où, à vingt-cinq ans, il expose sa propre esthétique. Il publie aussi, dans des revues, des articles de critique littéraire de 1856 à 1865, des poèmes, ainsi qu’une nouvelle, La Fanfarlo. Puis il devient le traducteur attitré d'Edgar Allan Poe (1809-1849) en qui il voit un maître à penser et un jumeau spirituel. Il publie ses traductions et son étude sur Poe en volumes dans Histoires extraordinaires, en 1856.
Malgré une liaison tumultueuse avec Jeanne Duval, ancienne figurante de théâtre, qu’il entretient et ne voudra jamais abandonner, et de fidèles amitiés (Théodore de Banville, l’éditeur Poulet-Malassis ou l’écrivain Charles Asselineau), Baudelaire souffre d’un sentiment de solitude croissant. Les mensualités produites par la gestion du reste de sa fortune ne suffisent pas au poète toujours à court d’argent et qui en gagne rarement. Les difficultés matérielles, les souffrances morales et physiques l’exaspèrent et usent ses forces.
En 1857, Charles Baudelaire publie Les Fleurs du Mal. Le recueil est jugé immoral et, à l’issue d’un procès, l'auteur et ses éditeurs sont condamnés à des amendes et à la suppression de six poèmes, condamnation douloureuse mais littérairement fructueuse puisque, pour compenser cette perte, Baudelaire se remet au travail. Après la mort de son beau-père, en 1857, les relations avec Mme Aupick s’améliorent et Baudelaire caresse l’idée de s’installer définitivement chez sa mère, à Honfleur. Il sort un deuxième édition des Fleurs du Mal, en 1861. Le recueil compte trente-deux nouveaux poèmes, dont Le Cygne et Le Voyage. Entre-temps, Baudelaire a commencé à faire paraître, dans les journaux, des poèmes en prose, et a publié Les Paradis artificiels. C'est une étude sur les excitants (vin, opium et hachisch). Il continue aussi de publier des articles et ouvrages de critique d’art, abordant même la critique musicale avec une étude sur Richard Wagner.
En 1864, il s'exile à Bruxelles avec l’espoir de gagner de l’argent grâce à des conférences et de publier l’ensemble de son œuvre. Il échoue, développe une haine violente contre la Belgique qui s’exprime dans une ébauche de pamphlet : Pauvre Belgique ! Son état de santé se dégrade en 1866 et des troubles cérébraux se déclarent ; aphasique et hémiplégique. Quatre mois plus tard, il est ramené à Paris et installé dans une maison de santé. Baudelaire y mène une vie végétative, sans pouvoir travailler, lire ni parler, jusqu’au 31 août 1867, jour de sa mort. Son œuvre n’est alors appréciée que d’un cercle restreint d’hommes de lettres.
Il faudra attendre 1949pour que la Cour de cassation annule la condamnation du procès de 1857 et réhabilite les Fleurs du mal.
Dates clés
- 1821 : naissance à Paris
- 1844 : mise sous tutelle
- 1845 : il devient critique d’art
- 1848 : traduction d'Edgar Allan Poe
- 1857 : publication des Fleurs du Mal, qui est jugé immoral
- 1864 : exil à Bruxelles
- 1867 : mort à Paris
- 1949 : réhabilitation des Fleurs du mal
Baudelaire et les drogues
Nombre d’écrivains, dont Alfred de Musset et Théophile Gautier, s’étaient intéressés aux effets des drogues. Contrairement à ses devanciers, Baudelaire refuse le pittoresque et l’anecdotique pour traiter le sujet en moraliste, métaphysicien et poète ; il voit dans la consommation de hachisch ou d’opium une quête d’infini. Mais si les drogues procurent visions et amplification des sensations, elles compromettent la volonté, c’est-à-dire, pour le poète, l’aptitude à traduire des visions qu’il devrait obtenir par lui-même. Les Paradis artificiels condamnent donc l’usage des drogues tout en exaltant les « fêtes du cerveau » qu’elles procurent et livrent une réflexion approfondie sur l’art et la poésie. La beauté de la langue permet aussi de lire cet essai comme un long et somptueux poème en prose. Précédés d’une étude de 1851 sur le vin et le hachisch, Les Paradis artificiels sont composés de deux sections : « Le Poème du hachisch » et « Un mangeur d’opium » où Baudelaire a partiellement traduit, adapté et commenté Les Confessions d’un mangeur d’opium anglais de Thomas De Quincey (1785-1859). Si Baudelaire n’a jamais été un véritable consommateur de hachisch, l’opium, sous forme de gouttes de laudanum, lui a été prescrit comme antalgique ; l’accoutumance et l’augmentation des doses en ont fait une véritable drogue.
Une relation ambiguë avec Victor Hugo
Contemporain de Victor Hugo, il est à la fois fasciné par ce monstre littéraire mais le trouve aussi quelque peu dépassé. Il faut dire que l'auteur des Fleurs du mal ne s’arrête pas à cette définition du romantisme et s’oriente vers un romantisme noir. Son approche préfigure le symbolisme, allant chercher dans les tréfonds de notre intérieur les sentiments et les émotions les plus sombres. En cela, il a ouvert les portes du spleen.
Baudelaire doit beaucoup à Hugo. Le poétique hugolienne des « rayons et des ombres » est pré-baudelairienne. L’auteur des Fleurs du mal hérite de la partie la plus sombre du romantisme, mais ne peut s’empêcher de se gausser du pair de France, père de famille à genoux devant une nature que, lui, exècre. Trois poèmes des Tableaux parisiens sont dédiés à Hugo : « Le Cygne », « Les Sept vieillards », « Les petites vieilles ».
Dans une lettre du 1er octobre 1959 à son éditeur, Auguste Poulet-Malassis, Baudelaire confie : « J’ai essayé d’imiter sa manière. » L'auteur des Contemplations lui en sait gré, convaincu que tous les deux ont une mission commune, comme il l’écrit dans cette lettre du 18 octobre 1859 : « Nous sommes d’accord : marcher du même pas au même but. Rallions-nous sous l’idéal, but sublime ». Or, une telle invitation semble faire abstraction de l’ironie de Baudelaire, qui dédie trois poèmes évoquant « l’ancien monde » et « la vieillesse extrême »... au patriarche des lettres françaises.
Qu’a changé Charles Baudelaire à la littérature ?
- C’est comme traducteur d’Edgar Poe que Baudelaire fut surtout apprécié de son vivant, Les Fleurs du Mal restant marquées par l’aura de scandale découlant du procès et de la condamnation du poète auquel s’attachait, par ailleurs, une légende négative tenace. Avant la mort de Baudelaire, Verlaine, Mallarmé, le poète anglais Swinburne et, tout de suite après sa mort, Théodore de Banville, avaient salué son importance novatrice et son génie. Jusque vers 1917 (année après laquelle l’œuvre, tombée dans le domaine public, fut largement rééditée), Baudelaire fut essentiellement apprécié par des écrivains et des artistes, la critique universitaire demeurant généralement hostile. Mais en 1924, Paul Valéry écrit qu’avec Baudelaire « la poésie française sort enfin des frontières de la nation. Elle se fait lire dans le monde ; elle s’impose comme la poésie même de la modernité ». (Situation de Baudelaire).
- A la fin du XIXe siècle, né un mouvement parallèle au symbolisme qu’on appelle « le décadentisme ». La « littérature décadente », incarnée par des figures emblématique de Huysmans et Barbey d’Aurevilly, affiche un goût prononcé pour le mal, la maladie, la mort, l’érotisme. Cette génération « fin de siècle », inspirée par les écrits nihilistes de Schopenhauer, revendique l’héritage baudelairien. Depuis, le succès posthume de Baudelaire ne cessa de croître, et son œuvre, à la fois poétique et critique, amplement traduite, lue dans le monde entier, suscita – et continue de susciter – d’innombrables essais et travaux de recherche.
- La richesse et la complexité d’une poésie qui allie le goût de la perfection formelle à la quête de l’inconnu font de Baudelaire l’initiateur des divers courants de la poésie moderne : Mallarmé et Valéry prolongent la volonté de rigueur et de pureté poétique ; de Rimbaud, qui qualifie Baudelaire de « voyant » (« Baudelaire est le premier voyant, roi des poètes, un vrai Dieu », lettre à Paul Demeny, 15 mai 1871), aux surréalistes en passant par Lautréamont, les modernes poursuivent, avec l’extension des perceptions et l’élargissement du champ de la poésie, l’exploration du gouffre commencée par Charles Baudelaire.
Œuvres principales
- 1856 : Histoires extraordinaires, traduction de Poe
- 1857 : Nouvelles histoires extraordinaires, traduction de Poe
Les Fleurs du Mal - 1859 : Théophile Gautier
- 1859-1866 : Rédaction de Mon cœur mis à nu.
- 1860 : Les Paradis artificiels
C'est un recueil qui propose des développements sur le vin (et autre drogues). Sa lecture peut venir compléter celle de la troisième section des Fleurs du mal, « Le vin ». - 1861 : Les Fleurs du Mal, deuxième édition,
- 1863 : L’Œuvre et la vie d’Eugène Delacroix
Le Peintre de la vie moderne - 1865 : Histoires grotesques et sérieuses, traduction de Poe
- 1866 : Les Épaves
- 1869 : Publication postume Le Spleen de Paris, un recueil de poésie en prose
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