Le verbe latin laborare, dont le sens est travailler, a donné en français le verbe « labourer ». Cela en dit long sur le sens large, dans les trois ordres sociaux médiévaux, de celui des Laboratores.
Les Laboratores : ceux qui travaillent
Si ce mode de vie représente celui des neuf dixièmes de la population, il y a dans cet ordre des différences de statut social, notamment entre serfs et vilains. Ces derniers, que l'on appelle aussi alleutiers, ne sont pas rattachés à la terre du seigneur, mais doivent la travailler et payer des impôts. Les serfs, en revanche, appartiennent au seigneur et à sa terre, et ils sont « vendus » avec le domaine si le seigneur s'en sépare. En échange de sa protection militaire, ils doivent au seigneur une partie de la récolte et des travaux gratuits (corvées) : creusement de puits, entretien de ponts, curage des fossés, empierrage des chemins, réparation des enclos, etc. Dans cette société où les affrontements guerriers peuvent détruire les moyens de production agricoles et entraîner des disettes, la vie des paysans est extrêmement difficile et aléatoire. Vie de labeur permanent, rythmée par l'adaptation des travaux des champs à la journée solaire, aux saisons et à leurs aléas climatiques. Le cycle labours, semailles, récoltes dessine l'année en calendrier rigoureux, lui fait épouser les formes strictes de l'almanach et le pli de ses éphémérides : phases de la lune et leurs influences agricoles, etc. Ce calendrier est en même temps une liturgie : le temps journalier est mesuré par les cloches du village qui scandent les heures du jour et leurs offices, le temps annuel par le calendrier chrétien et ses cycles de fêtes.
Les conditions de vie précaires et difficiles des paysans
La situation alimentaire des paysans est instable, mais son modèle repose sur trois bases : le pain, le vin, et le companage, mot significatif (ce qui accompagne le pain). On pourrait dire plus souvent : le pain, la soupe, et ce qui l'accompagne... Les céréales sont la base de l'alimentation, mais le blé étant vendu ou prélevé comme céréale noble (farine de froment), les paysans se contentent des céréales secondaires : seigle, orge, épeautre. L'autre base alimentaire concerne les légumes secs : fèves, pois, haricots secs, lentilles. Ce mode de vie suscite le mépris de l'aristocratie qui traite les pauvres de mangeurs de vieux lard. On raille leurs préparations bouillies, alors qu'au château on privilégie le grillé et le rôti, symboliques du puissant et de la chasse : le carné, le saignant. L'habitude carnée des paysans est, elle, d'origine domestique : moutons (ils fournissent aussi laine, cuir et fourrure), porcs, poules et leurs oeufs. Ils vivent dans des maisons de boue séchée ou de bois, en pièce unique de terre battue, partagée durant l'hiver avec le bétail et son apport de chaleur. L'habitation est chauffée en journée par un foyer central, enfoui la nuit sous les cendres, de crainte des incendies : le couvre-feu. En dehors des villages, la forêt reste à toute heure une proximité magique et hostile, incarnant à la fois le sauvage et la survenance de l'imprévu : hordes de brigands ou de guerriers.
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