La dyslexie, c'est quoi ?

Ils sont « dys » : dyslexiques, dysorthographiques, dyscalculiques ; en difficulté d’apprentissage voire, si difficultés plus lourdes, porteurs de troubles spécifiques des apprentissages.  


Publié le 08/11/2012 • Modifié le 03/09/2024

Temps de lecture : 3 min.

Lis cet article et gagne facilement 10 Lumniz en te connectant !

Il n’y a pas de Lumniz à gagner car tu as déjà vu ce contenu. Ne t’inquiète pas, il y a plein d’autres vidéos, jeux, quiz ou articles intéressants à explorer et toujours plus de Lumniz à remporter.

->   En savoir plus

« Le fait est. Je ne captais ni n’imprimais. Les mots les plus simples perdaient de leur substance dès qu’on me demandait de les envisager comme objet de connaissance. (…) Et je répétais le mot, inlassablement, comme un enfant qui n’en finit pas de mâcher, mâcher et ne pas avaler, répéter et ne pas assimiler, jusqu’à la totale décomposition du goût et du sens, mâcher, répéter, Jura, Jura, jura, jura, jus, rat, jus, ra ju ra ju ra jurajurajura, jusqu’à ce que le mot devienne une masse sonore indéfinie, (…) un bruit pâteux d’ivrogne dans une cervelle spongieuse. » C’est ainsi qu’il se décrit, Daniel Pennac, dans son Chagrin d’école : incapable d’apprendre, « un cancre sans fondement historique, sans raison sociologique, sans désamour : un cancre en soi. » Mais ces cancres-là n’existent plus. Désormais, ils sont « dys » : dyslexiques, dysorthographiques, dyscalculiques ; en difficulté d’apprentissage voire, si difficultés plus lourdes, porteurs de troubles spécifiques des apprentissages.

Ces élèves sont brouillés avec les lettres, les chiffres, les mots, parfois avec les gestes ; avec la lecture et l’écriture, ces étapes fondamentales et incroyablement complexes qui conduisent vers l’autonomie. L’accès au langage leur est refusé.

Barrage symbolique, barrage cognitif, l’heure aujourd’hui n’est plus à la désignation des responsables mais à l’exploration du dysfonctionnement, en finesse, pour en évaluer l’importance. Et réparer, accompagner l’enfant, le soutenir, lui redonner confiance. Il n’est pas bête mais dys, une forme de soulagement au prix d’un handicap à assumer. Pas si simple.

Car dans la réalité, la prise en charge est très compliquée. Les parents se démènent ; les mères surtout, dans un dédale de termes, de dispositifs, d’approches diverses.

D’un côté il y a des professionnels aux multiples pratiques, de l’autre l’école. L’école, qui révèle les difficultés mais ne sait qu’en faire. Intégrer les enfants, les inclure. Les intentions sont bien inscrites sur le papier depuis 2005 mais, hormis quelques rares exceptions, les enseignants ne sont pas formés, rien n’est mis en place. Alors les enfants peinent, redoublent leur classe et redoublent d’effort, parfois abandonnent, grandissent avec cela. Certains finissent par y arriver et dépassent leur handicap. Une victoire. Car ils s’en rendent compte, l’écrit est partout.

Il reste beaucoup à faire pour leur épargner, comme la définit Pennac, « cette solitude du cancre dans la honte de ne jamais faire ce qu’il faut ! » et que la peur ne soit pas « la grande affaire » de leur scolarité.

Les apprentissages de la lecture et de l’écriture mettent en effet en jeu des processus cognitifs très complexes, et ce sont ces étapes qui révèlent les troubles des enfants « dys ». Cependant, certains peuvent ne pas être repérés ; de nombreux dyslexiques masquent leurs difficultés jusqu’au collège.

 

Difficiles à définir et à repérer donc, les troubles dysregroupent différents dysfonctionnements du système cognitif. La dysphasie s’applique à la parole ; la dyslexie à la lecture ; la dysgraphie à l’écriture et au dessin ; la dyscalculie au calcul ; la dysorthographie à l’orthographe ; la dyspraxie au geste (c’est un trouble de coordination dans le séquençage des mouvements). Enfin, le déficit d’attention fait aussi partie de cette catégorie de troubles cognitifs « spécifiques » du langage et des apprentissages. On les dit « spécifiques » pour indiquer qu’ils ne peuvent être expliqués par aucune autre déficience. On ne repère ni problème psycho-pathologique, ni anomalie anatomique, ni altération sensorielle, ni déficience intellectuelle globale (retard mental)… L’enfant est intelligent, il comprend, ses compétences intellectuelles sont préservées.

On estime que 10 % des individus présenteraient un ou plusieurs troubles dys et 6 à 8 % seraient concernés par ces troubles spécifiques du langage et des apprentissages, soit environ un enfant par classe.

D’où vient cette épidémie ? Ils ne seraient pas plus nombreux qu’auparavant mais la meilleure exploration du trouble, grâce notamment aux centres référents du langage créés il y a dix ans pour affiner les diagnostics, font qu’ils sont davantage repérés, et ce de plus en plus tôt.

Ainsi, en dix ans, c’est surtout la façon d’aborder ces difficultés qui a changé et aussi, peut-être, le regard qu’on porte sur les dys : « Là où on aurait dit, “il n’a pas envie d’apprendre”, “il est flemmard puisque vous voyez qu’il peut quand il veut”, on tente désormais d’analyser, sur le plan cognitif, la nature exacte des difficultés : il écrit mal, cela ne veut pas dire qu’il n’est pas soigneux mais qu’il y a une réalité dans sa représentation de l’espace, dans l’appréciation des interlignes, qui lui pose problème. Et l’effort qu’il doit produire pour s’appliquer lui coûte tellement que par moment, il relâche », explique Jean Chambry, pédopsychiatre. Auparavant, ces enfants dys étaient simplement de mauvais élèves.

Devenus adultes, ils conservent souvent des difficultés qui peuvent les handicaper dans certains actes de la vie quotidienne ou professionnelle. Car ils sont toujours dys, on ne guérit pas véritablement de ces troubles, on apprend à vivre avec, on les contourne. La rééducation a permis pour certains de dépasser leur handicap, ils ont fini par apprendre à lire mais lentement, au prix d’efforts constants et d’innombrables séances d’orthophonie, et l’écriture reste pour la plupart un cauchemar, une impossibilité. Une fois adultes, souvent, ils dissimulent, évitent les situations où ils pourraient être pris en défaut, n’osent pas « avouer », veulent oublier les années de galère à l’école. Virginie a 31 ans, quatre redoublements en primaire passés au fond de la classe. Difficile de faire coïncider cette jeune femme vive, intelligente, qui s’exprime si clairement et celle qui affirme être incapable d’écrire ni même de remplir un chèque correctement. Elle est devenue vendeuse dans une boutique de vêtements de luxe mais ne dit rien de sa différence à sa patronne. Le manque de reconnaissance cependant lui pèse. Pour une formation professionnelle, elle prépare un test. Elle est certaine de l’avoir, mais elle le rate. Un choc pour elle. Elle décide alors de faire reconnaître son handicap. « Je viens juste d’accepter ce que je suis. » Les enseignants, les responsables de formation, les associations poussent les jeunes dys et surtout leur famille à dire mais les résistances sont fortes. Certains ne veulent pas, ne sont pas prêts : « Un handicap, c’est dur de s’y confronter quand on est enfant, dit Rémi. Certes, ce n’est pas une maladie, mais c’est tout de même un handicap. »


Ce contenu est proposé par