Pour y voir plus clair, on a posé quelques questions à Marie Dumont, directrice du Centre d’Étude de la Neige du CNRS et de Météo-France.
La montagne, un milieu plus touché que d’autres par le changement climatique ?
La montagne est un milieu fragile, comme les littoraux et les côtes. Elle n'est pas touchée de manière homogène par la hausse des températures. Ça varie en fonction des saisons et de l'altitude. Une partie de ce réchauffement peut être dû à la « rétroaction » liée à la neige :
- La neige est blanche et renvoie l'énergie du soleil, donc en temps normal elle contribue à refroidir notre système climatique.
- Mais quand il y en a moins (parce qu'elle fond plus vite à cause du réchauffement climatique comme on va le voir), c’est moins blanc, donc la terre absorbe plus d’énergie solaire, et se réchauffe (encore) plus.
L'effet de l’augmentation des températures en montagne
- La durée de l’enneigement
Plutôt qu’il tombe de la neige, il tombe de la pluie plus fréquemment, donc le manteau neigeux (= la neige qui recouvre le sol) décline. Il neige aussi plus tard à l'automne, et ça fond plus tôt et plus vite au printemps. → Résultat, par rapport à il y a 50 ans, on a perdu 1 mois d'enneigement dans les Alpes par exemple. - Les effets sur les glaciers
Concernant les glaciers, pour comprendre, il faut savoir comment ils sont formés. Il faut les imaginer comme un immense fleuve de glace : en haut des montagnes, de la neige tombe, s’accumule et forme de la glace qui s’écoule en quelque sorte. Et quand ça arrive en bas, ça fond. Résultat, comme il y a moins de neige qui tombe pour les « nourrir » et qu’ils fondent plus vite, les glaciers reculent aussi, ils diminuent. → Comme le glacier d’Ossoue dans les Pyrénées qui a perdu 64 % de sa surface depuis 1924.
Quelles autres conséquences pour la nature ?
Le changement climatique a des impacts sur les cours d’eau montagneux. La neige agit comme un stock d’eau, la rivière grossit au moment où elle fond, et comme elle fond plus tôt, ils sont gros plus tôt. Quand les glaciers se mettent à fondre et à décliner, ça alimente fortement les cours d’eau dans un premier temps. Mais si ces glaciers disparaissent, à terme ça veut dire qu’ils n’alimentent plus ces cours d’eau. Il y a donc des risques de sécheresses et d'incendies plus élevés. La diminution de l'eau a évidemment aussi un impact sur les animaux et les plantes qui ont besoin pour vivre… La biodiversité est aussi affectée par le réchauffement des sols : les sols sont enneigés moins longtemps, donc moins bien isolés, ils se réchauffent → Ça peut modifier l’aire de répartition de certaines espèces comme des plantes qui ont besoin de conditions de températures précises par exemple.
Quels impacts pour les humains ?
Le fait que les cours d’eau s’assèchent plus ou moins peut avoir un impact sur :
- les barrages hydroélectriques : les centrales qui permettent de créer de l’électricité en faisant passer de l’eau dans des turbines lorsqu’on ouvre le barrage.
- l’agriculture
- la disponibilité d’eau potable dans certaines régions du monde
Le manque de neige pèse aussi sur l’économie des sports d’hiver. De nombreuses études ont été faites sur les stations de ski. Il y a eu des projections à horizon 2100 pour savoir si elles sont viables économiquement :
- soit en neige naturelle, soit en neige damée (= tassée)
- en produisant ou non de la neige artificielle
La réponse varie beaucoup d’une station à l’autre, mais certaines d'entre elles peuvent s’aider de ça pour commencer à diversifier leurs activités (du ski ⛷ au VTT 🚵♀️ par exemple). Même si on arrêtait d’émettre des gaz à effet de serre maintenant, les glaciers continueraient à fondre car il y a une forte inertie. Il faut du temps pour que ce qu’il se passe dans l'atmosphère se répercute sur eux. Mais de toute façon, ça va dépendre du scénario à venir. Pour les scénarios optimistes, les glaciers perdent 50 % de leur masse, pour les scénarios pessimistes, 80 % à 90 %.
Préserver la montagne face au changement climatique : quelles solutions ?
Il y a les solutions globales classiques, comme réduire les émissions de CO2, lutter contre le changement climatique. Au niveau local, certaines solutions consistent à recouvrir les glaciers de couvertures pour les protéger, ou à produire de la neige en circuit fermé… Mais d’après Marie Dumont, ça ne reste que des pansements. Si l’élévation globale des températures continue, ça ne changera pas grand chose.





