C’est comme traducteur d’Edgar Poe que Baudelaire fut surtout apprécié de son vivant, Les Fleurs du Mal restant marquées par l’aura de scandale découlant du procès et de la condamnation du poète auquel s’attachait, par ailleurs, une légende négative tenace.

Charles Baudelaire découvrant une charogne dans la végétation des Fleurs du mal. Dessin de Nadar, 1858.
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Mais avant la mort de Baudelaire, Verlaine, Mallarmé, le poète anglais Swinburne et, tout de suite après sa mort, Théodore de Banville, avaient salué son importance novatrice et son génie. Jusque vers 1917 (année après laquelle l’œuvre, tombée dans le domaine public, fut largement rééditée), Baudelaire fut essentiellement apprécié par des écrivains et des artistes, la critique universitaire demeurant généralement hostile. Mais en 1924, Paul Valéry écrit qu’avec Baudelaire « la poésie française sort enfin des frontières de la nation. Elle se fait lire dans le monde ; elle s’impose comme la poésie même de la modernité ». (Situation de Baudelaire). Depuis, le succès posthume de Baudelaire ne cessa de croître, et son œuvre, à la fois poétique et critique, amplement traduite, lue dans le monde entier, suscita – et continue de susciter – d’innombrables essais et travaux de recherche.
La richesse et la complexité d’une poésie qui allie le goût de la perfection formelle à la quête de l’inconnu font de Baudelaire l’initiateur des divers courants de la poésie moderne : Mallarmé et Valéry prolongent la volonté de rigueur et de pureté poétique ; de Rimbaud, qui qualifie Baudelaire de « voyant » (« Baudelaire est le premier voyant, roi des poètes, un vrai Dieu », lettre à Paul Demeny, 15 mai 1871), aux surréalistes en passant par Lautréamont, les modernes poursuivent, avec l’extension des perceptions et l’élargissement du champ de la poésie, l’exploration du gouffre commencée par l’auteur des Fleurs du Mal.