Origines de la pensée humaniste
Le mot humanisme n’est apparu qu’au XIXe siècle. Il se réfère à Umanista, l’homme des Studia humanitatis (les lettres, les « humanités »). Au milieu du XVe siècle, à la suite du philosophe italien Marsile Ficin, les humanistes veulent retrouver l’authenticité de la pensée des Anciens, considérée enfouie sous les mauvaises traductions et les adaptations chrétiennes du « sombre Moyen Âge ». Les humanistes travaillent « dans le texte » à partir de manuscrits grecs, latins et hébreux, dont ils apprennent la langue. Ils redécouvrent les œuvres d’Aristote et de Platon. C’est la première Renaissance italienne : Marsile Ficin, qui dirige l’Académie platonicienne de Florence, a notamment pour disciple Jean Pic de la Mirandole, un autre penseur italien, qui étendit ses recherches à la pensée aristotélicienne et aux écrits de la Kabbale.
Humanisme et christianisme
Cette démarche humaniste, basée au départ sur des philosophes antiques agnostiques, gagne le cœur de l’Europe chrétienne. L’Allemand Luther, considéré comme le père du protestantisme, tient la Bible comme seule source légitime d’autorité religieuse. Érasme, prêtre catholique néerlandais, tout en restant à l’intérieur de l’Église, plaide pour une conception évangélique de la religion catholique, critiquant la hiérarchie de l’Église pour ses comportements trop éloignés des évangiles.
Les écrits des humanistes chrétiens font la part belle à l’utopie. De manière modérée chez Érasme : son essai satirique Éloge de la folie (1509), promeut, en maniant des dialogues plein d’humour et rédigés en néo-latin, les idéaux chrétiens.
L’anglais Thomas More, l’un des humanistes catholiques les plus durs face à la Réforme, propose avec Utopia un livre dont le projet est un panorama d’un pays fictif nommé Utopie. Dans cette île, la société repose sur l’absence d'échanges marchands, on y vit sans monnaie et sans accumulation privée. Sans doute un portrait inversé de son Angleterre, qu’il donne ainsi à distancier.
Humaniste français, François Rabelais, tout en étant prêtre catholique et médecin, marque les esprits par son œuvre romanesque et allégorique, Gargantua(1534) : dans son Abbaye de Thélème, hommes et femmes ne sont pas tenus par la règle, mais responsabilisés par leur seul libre arbitre. Ce courant utopique ouvre le passage vers une autre pensée… On la repère dès 1605 chez le britannique Francis Bacon, adepte de l’empirisme, qui souhaitera que la science soit « tirée de la lumière de la nature », et non « de l’obscurité de l’Antiquité ».
Les résistances
A la Renaissance, le désir de connaissance et de renouveau de la pensée humaniste rencontre de fortes résistances dans une Europe très chrétienne.
L’idée d’une réforme de l’Eglise n’est pas la seule à rencontrer une opposition. Les procès en hérésie ou en sorcellerie sont nombreux. En 1600, à Rome, le philosophe Giordano Bruno finira sur le bûcher comme « hérétique » pour avoir supposé la pluralité des mondes habités. En pleine Renaissance, on imprime le Marteau des sorcières (1486), manuel d’inquisiteur dont on renouvellera l’édition pour former à la détection des maléficiers !
Voilà bien le monde dans lequel les humanistes pointent la pédagogie comme un terrain décisif, et Érasme insiste sur les vertus morales de l’instruction
Dans les Antibarbares il désigne la culture liée aux textes anciens comme à même de transformer des sauvages en personnes civilisées, de fabriquer l’honnête homme.
L'enseignement de l'Église remis en cause par les humanistes
Étudier les langues, c’est pour les humanistes mettre fin à l’idée « surnaturelle » de leur diversité, au mythe de la tour de Babel. Ils critiquent les maîtres de la scolastique, philosophie développée et enseignée dans les universités. Ces derniers ignorent en effet le grec, pratiquent un mauvais latin médiéval et ne possèdent que des traductions de seconde ou troisième main. Les humanistes vont s’attacher à changer ce cadre d’enseignement mis en place par l’Église, et expérimentent un nouveau modèle basé sur les collèges, plus indépendants.
L’importance des collèges s’accroit et ce succès conduit des villes à en créer de nouveaux, totalement indépendants des universités, y attirant des enseignants réputés. Parallèlement, les progrès des travaux de traduction gagnent les universités, grâce à une bonne diffusion due aux imprimeurs et éditeurs.
L’Occident ne connaissait la Bible qu'à travers la Vulgate, transcription en latin de Saint Jérôme vers l’an 400. En 1516, Érasme publie à Bâle une version du Nouveau Testament avec texte original grec et traduction latine corrigée en regard.
Ce nouvel établissement de sources servira de base à la plupart des traductions en langues vernaculaires d’Europe au XVIe siècle et donc à Luther pour sa fameuse traduction allemande des Évangiles de 1522. Pour les humanistes, la traduction permet la circulation des œuvres et des idées… Mais la hiérarchie de l’Eglise reprochera à Érasme et à sa version du Nouveau Testament d’avoir ouvert le chemin à la figure de la réforme protestante, Luther.
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