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Français29:33Publié le 26/03/2020

La littérature fantastique, le portait d'un personnage

Les cours Lumni - Collège

Laurent, votre professeur de français, vous propose un cours dans le cadre du thème « la fiction pour interroger le réel ». Il vous propose d'aller à la rencontre d'un personnage mythique au travers du portrait qu’en fait Jonathan Harker arrivant dans un château de Transylvanie. L'univers est imaginé par l'écrivain irlandais Bram Stoker dans un roman publié en 1897. Découvrirez-vous qui est ce personnage de la littérature fantastique ?

A la rencontre d’un personnage étrange

Le professeur propose de relever des indices dans un texte,  pour se faire une idée du personnage qui partage une longue soirée dans un château sombre avec Jonathan Harker. Il faut lire en étant attentif aux sensations, aux impressions, aux sentiments qui viennent au fur et à mesure. Par petites touches, dans de petits paragraphes, l’auteur nous brosse ce portrait, et vous pouvez identifier ce qu’il vous montre, et ce que vous en déduisez sur le comte.

Téléchargez l'extrait du journal tenu par Jonathan Harker en PDF.

Texte étudié écrit par Bram Stoker en 1897

Traduction intégrale française de Jacques Sirgent (2012)

Jonathan Herker, un clerc de notaire londonien, se rend en Transylvanie afin d’aider un comte à régler une affaire immobilière. Il raconte dans son journal son voyage et son arrivée au château, où il est accueilli par le comte lui-même et lui fait d’abord le récit de son voyage.

Mon récit terminé, j'avais fini de manger et, à la demande de mon hôte, j'avais approché une chaise de la cheminée et allumé un cigare qu'il m'avait présenté tout en s'excusant de ne pas me tenir compagnie : il ne fumait point. C'était la première fois que je pouvais l'observer tout à loisir et je dois reconnaitre que sa physionomie ne pouvait laisser indiffèrent.

Son visage donnait une impression de force, avec son nez fin mais aquilin, des narines particulièrement larges, un front haut et bombé des cheveux qui se clairsemaient aux tempes, mais, ailleurs, épais et abondants. Les sourcils, massifs, se rejoignaient presque à l’arête du nez et paraissaient boucler tant ils étaient denses. La bouche, pour autant que je pusse l'entrevoir, sous l'épaisse moustache, présentait quelque chose de cruel, sans doute en raison des dents éclatantes et particulièrement pointues. Elles avançaient au-dessus des lèvres elles-mêmes dont le rouge vif soulignait une vitalité étonnante chez un homme de cet âge. Les oreilles étaient pâles et se terminaient en pointes. Le menton paraissait large et dur et les joues, malgré leur maigreur, donnaient toujours une impression d'énergie. L'impression générale était celle d'une extraordinaire pâleur.

J'avais déjà remarqué le revers de ses mains qu'il avait posées sur ses genoux et, dans la lueur des flammes, elles m'avaient paru longues et fines. Pourtant, à présent que je les voyais de près, je les découvrais grossières, larges, doigts épais. Etrange constatation, aussi, je remarquais des poils au milieu des paumes. Les ongles étaient longs et fins, presque trop pointus. Quand le comte se pencha vers moi et ses mains me frôlèrent, je ne pus retenir un frisson. Peut-être devais-je en imputer la cause à son haleine fétide, mais une terrible nausée s'empara de moi, que je ne pus cacher. Le comte s'aperçut de mon dégoût, car il recula.

Avec un sourire effrayant, qui découvrit davantage ses dents proéminentes, il retourna s'asseoir à côté de la cheminée. Pendant tout un temps, nous restâmes silencieux. Regardant en direction de la fenêtre, je m'aperçus que l'aube pointait, timide. Un étrange silence semblait s'être abattu sur toute la région. Pourtant, en prêtant l'oreille, je perçus le hurlement des loups, très lointain, dans la vallée. Les yeux du comte se mirent à briller. Il me dit :

- Ecoutez-les, les enfants de la nuit. Quelle musique ils font !

Extrait du journal tenu par Jonathan Harker

Ce portrait est effectué à la première personne. Ce point de vue interne permet au lecteur d’être dans la position du narrateur, et donne davantage de dimension à ce qui est raconté, fait rentrer davantage dans l’histoire. Vous pouvez suivre la description du visage qui est faite dans un mouvement vertical, de haut en bas. Jonathan, le narrateur, a le souci de rentrer dans le détail, de décrire les éléments du visage, qui l’attirent et l’intriguent (nez fin, narines larges, front haut et bombé…). Il fait le lien entre ces détails physiques et le caractère fort, énergique du personnage que cela induit. La perception du personnage du comte se fait d’abord par la vue (apercevoir, entrevoir), et les contrastes arrivent peu à peu dans ce portrait: impression générale de pâleur, mais lèvres d’un rouge vif par exemple.

2e partie du texte

Les images complètent le portrait dans cette partie du texte qui décrit les mains : larges, grossières aux doigts épais, poilues. Les poils à l’intérieur des paumes ajoutent à la singularité du personnage. Le narrateur s’interroge de plus en plus sur l’étrangeté du personnage. Cela le fait même frissonner. Le texte installe peu à peu une ambiance tendue. Les ongles trop pointus ajoutent à l’interrogation. L’haleine fétide marque l’entrée du sens de l’odorat.

3e partie du texte 

Le portrait s’achève avec de nouveaux indices, qui commencent à prendre sens avec ce que nous avions repéré. Sourire effrayant, cette notion est paradoxale et ajoute de l’ambiguïté. Les dents qui dépassent renvoient aux ongles trop pointus. On sort de la norme. Le silence s’installe, le hurlement des loups déchire la fin de la nuit, c’est inquiétant. Une nouvelle métamorphose du comte arrive. Ses yeux brillent, il parle « des enfants de la nuit », alors que l’aube pointe. Ce sont les seules paroles qu’il prononce, on sent la proximité qui s’installe entre le comte et les loups. Ces hurlements le comte les désigne comme une musique, on sent une véritable affection. Les deux protagonistes de ce texte sont restés toute la nuit près de la cheminée, l’aube arrive et ranime le comte…

Qui est ce comte ?

Après lecture du texte, on commence à comprendre qui est ce comte. Bram Stoker s’est inspiré d’une personne qui a réellement existé : le roi Vladislav III, qui a régné au XVe siècle sur une région qui correspond aujourd’hui à la Roumanie, dans l’est de l’Europe. Il est connu pour avoir été un monarque cruel et sanguinaire. A partir de cette représentation historique, Bram Stoker a construit une autre histoire. Laquelle ? Vous commencez à avoir une idée ? Ce personnage a été de nombreuses fois représenté.

Le comte au cinéma

Le professeur propose quelques exemples. Les différents cinéastes qui l’ont représenté avaient leur propre représentation, leur propre perception du personnage. Le comédien Max Schreck joue le personnage de Nosferatu dans un film de Murnau de 1922. Klaus Kinski reprend le rôle dans Nosferatu, fantôme de la nuit dans un film de Werner Herzog sorti en 1979. On retrouve dans les personnages de ces films des éléments du texte précédent : les ongles pointus et démesurés, les oreilles proéminentes et les dents pointues. Les deux personnages de film sont chauves par contre, à la différence du texte, mais, visuellement, cela fait ressortir le côté bombé du front. Les vêtements sombres ajoutent de l’obscurité au « prince des ténèbres ».

Alors avez-vous deviné ?

Autres photos proposées par votre professeur : Bela Lugosi dans Dracula, film de Tod Browning de 1931, Christopher Lee dans Le cauchemar de Dracula de Terence Fischer en 1958. Francis Ford Coppola, a lui réalisé Dracula, prince des ténèbres en 1992, avec Gary Oldman dans le rôle. Il revient à un aristocrate séducteur, dandy, dont on ne soupçonne pas la vrai nature. Voilà, le comte Dracula était le personnage décrit dans le texte de Bram Stoker ! Le vrai roi Vlad avait un surnom Dracula, le fils de Dracul. Son père avait été surnommé ainsi, cela signfie « fils du dragon ».

Le genre fantastique en littérature

Le fantastique naît du doute, de l’hésitation qui naît d’éléments réels qui, soudainement, si on les regarde d’un peu plus près, prennent une toute autre signification. Le doute peut naître d’un verre, le soir déposé plein sur sa table, retrouvé vide le matin au réveil sans explication, d’une statue qui semble devenir vivante, d’un brouillard qui entourant une barque déclenche des hallucinations. Ces situations, tirées de textes fantastiques de la littérature du XIXe siècle provoquent une hésitation, une perception différente du réel et créent une atmosphère d’angoisse.

Le roman de vampire de Bram Stoker

Ici l’étrangeté du comte se construit lentement, par petites touches. Quelques détails physiques étranges, un personnage qui parle peu, mais s’émeut quand il entend les loups hurler au fond de la nuit. Peu à peu se construit cette idée que le fantastique ce n’est pas nécessairement le surnaturel immédiat, c’est l’introduction dans le présent, dans une réalité banale de portrait d’un homme, de signes pour lesquels nous n’avons pas nécessairement d’explications ou du moins qui viennent interroger la perception habituelle des gens et des choses. Dans cette enquête, le fantastique, l’étrangeté se fait beaucoup par la mobilisation de nos sens. Mais pas d’angoisse, il faut considérer cette littérature comme un jeu, une interrogation sur ce qui nous entoure, comme un plaisir de se dire que les choses sont différentes de ce telles qu’on voudrait les voir. Le mot fantastique vient au départ du mot fantasma « le rêve », l’illusion…

Réalisateur : Didier Fraisse

Producteur : France tv studio

Année de copyright : 2020

Publié le 26/03/20

Modifié le 09/06/23

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