« A Mme du Châtelet » de Voltaire

Athéna Sol te fait découvrir le poème de Voltaire A Mme du Châtelet, écrit en 1778 à la toute fin de sa vie. Ce texte de poésie s'adresse à la scientifique Émilie du Châtelet, le grand amour de Voltaire pendant 15 ans 💌. Il appartient au mouvement des Lumières (XVIII^e siècle) durant lequel des grands penseurs, principalement auteurs de littérature d'idées, se sont aussi illustrés dans le genre poétique.

« A Mme du Châtelet » de Voltaire

Ce poème de Voltaire (1694-1778) est librement interprété par la rappeuse Juste Shani.

« Si vous voulez que j’aime encore,
Rendez-moi l’âge des amours ;
Au crépuscule de mes jours
Rejoignez, s’il se peut, l’aurore.

Des beaux lieux où le dieu du vin
Avec l’Amour tient son empire,
Le Temps, qui me prend par la main,
M’avertit que je me retire.

De son inflexible rigueur
Tirons au moins quelque avantage.
Qui n’a pas l’esprit de son âge,
De son âge a tout le malheur.

Laissons à la belle jeunesse
Ses folâtres emportements.
Nous ne vivons que deux moments :
Qu’il en soit un pour la sagesse.

Quoi ! pour toujours vous me fuyez,
Tendresse, illusion, folie,
Dons du ciel, qui me consoliez
Des amertumes de la vie !

On meurt deux fois, je le vois bien :
Cesser d’aimer et d’être aimable,
C’est une mort insupportable ;
Cesser de vivre, ce n’est rien.»

Ainsi je déplorais la perte
Des erreurs de mes premiers ans ;
Et mon âme, aux désirs ouverte,
Regrettait ses égarements.

Du ciel alors daignant descendre,
L’Amitié vint à mon secours ;
Elle était peut-être aussi tendre,
Mais moins vive que les Amours.

Touché de sa beauté nouvelle,
Et de sa lumière éclairé,
Je la suivis ; mais je pleurai
De ne pouvoir plus suivre qu’elle.💓

Analyse du poème : la jeunesse vs la vieillesse

A Mme du Châtelet est une ode à l’amour et à l’insouciance de la jeunesse.

• Liberté et modernité : ce poème s’adresse à la scientifique Émilie du Châtelet. Le XVIII^e siècle étant une époque de libertinage, elle mène - comme beaucoup de femmes nobles - une vie plutôt volage, c’est-à-dire qu’elle a de nombreux amants. Elle est une femme libre amoureusement mais aussi socialement puisqu’elle est mathématicienne et physicienne. Un tour de force car les sciences constituent un milieu très masculin. Voltaire admire son savoir, son intelligence, sa liberté. Ils vont d’ailleurs vivre ensemble sans être mariés. C’est un couple moderne.
• Composition et thèmes évoqués : les six premiers quatrains de ce poème sont entre guillemets car il s'agit d’un discours direct qui rapporte les paroles du poète. Voltaire, âgé et au soir de sa vie, y évoque avec regrets les souvenirs amoureux. L’amour n’est plus de son âge. Il oppose dans ces strophes deux moments distincts : la jeunesse et la vieillesse.
  ► La jeunesse, « l’aurore », est pour lui le temps de l’amour, de l’ivresse et de l’insouciance. C’est le temps des plaisirs, des « folâtres emportements », le temps du libertinage !
  ► La vieillesse, au contraire, le « crépuscule », est le temps de la sagesse, mais aussi, plus grave, le temps où l’on cesse d’aimer et d’être aimé. Pour lui, c’est plus grave que la mort.
  Dans la 5^e strophe, l’interjection « Quoi ! » ainsi que l’exclamative qui suit, marque l’indignation du poète. Il prend conscience que cette folie de la jeunesse l’a abandonné et ne reviendra plus.
  A cette lamentation succèdent trois strophes qui marquent l’après. Qu’est-ce qui nous maintient debout quand l’amour n’est plus là ? Voltaire y répond : il est remplacé par l’amitié. « Elle était peut-être aussi tendre / Mais moins vive que mes Amours ». L'auteur apprend donc à s’en contenter.
• Figure de style : la métaphore de la lumière prend ici tout son sens. La clarté de l’amitié représente une joie nouvelle. Mais c’est aussi un clin d’œil évident au siècle des Lumières 💡.

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