Les communautés

Depuis des millénaires, l’Homme se rassemble en communautés. Mais que signifient groupe et individualité dans notre société aux réseaux sociaux omniprésents ? Pour en parler, Cyrus North reçoit Gabrielle Halpern, docteure en philosophie et chercheuse associée à l’Ecole normale supérieure, dont les recherches portent sur l’hybridation.

Communauté, communautarisme et hybridation

La communauté désigne un ensemble de personnes reliées par un ou des points communs, qu’il s’agisse par exemple de centres d’intérêt, d’origines, ou d’opinions politiques. Le communautarisme désigne lui une communauté qui s’est complètement fermée et qui refuse toute différence ou mixité en son sein.

Pour Gabrielle Halpern, une communauté doit être en hybridation permanente, c’est-à-dire qu’elle doit être toujours ouverte à l’altérité ou à la différence pour être régénérée. Ici, l’hybride désigne donc ce qui est différent, et qui ne rentre pas dans nos cases. Elle l’explique par l’exemple du centaure, hybride de cheval et d’homme, généralement représenté comme agressif ou violent, qui voulait faire du mal. Ce qui est hybride nous met mal à l’aise, car, en réalité, nous ne savons pas d’où il vient, ou dans quelle case le mettre.

La pulsion d’homogénéité

Nous ressentons le besoin d’appartenir à une communauté, et surtout, de le revendiquer. Une communauté que nous mettons en avant, comme nous pouvons le faire dans nos biographies sur les réseaux sociaux, est un moyen de se reconnaître rapidement avec les autres membres de cette communauté parmi la foule. Ce besoin est lié à ce que Gabrielle Halpern appelle la pulsion d’homogénéité, qui nous pousse à tout vouloir homogénéiser autour de nous. Par exemple, quand nous rencontrons un inconnu, nous allons probablement le ranger dans la même case qu’une personne à qui il nous fait penser. Ou quand on s’habille selon une mode, on s’y homogénéise.

L’humain s’enferme dans une bulle, et a tendance à aller vers ce qui lui ressemble. Ce renfermement n’est pas provoqué par les réseaux sociaux, contrairement à ce que nous pouvons penser. Et au contraire, savoir s’éloigner des sentiers battus ne peut que nous être bénéfique. Dans notre famille, par exemple, qui est notre première communauté. Il est important de montrer aux enfants qu’il existe plusieurs opinions. Au sein d’une famille où tous les membres partagent la même opinion, la même vision du monde, et rejettent les idées différentes, l’enfant finira par penser que cette opinion est absolue. Qu’elle est la seule et qui n’en existe pas d’autres.

Des lieux repères pour réduire les clivages

Avec la multiplication des communautés, le monde d’aujourd’hui apparaît comme fragmenté, et de nombreux clivages divisent notre société. Le débat peut s’avérer difficile entre deux communautés, ou deux individus de communautés différentes. Nous pourrions pourtant nous reconnecter les uns aux autres grâce à des lieux repères. Des endroits où des personnes différentes aux avis tout aussi divergents pourraient se rencontrer, et partager des choses. Les maisons de retraite, par exemple, où les personnes âgées sont isolées entre elles. En faire des lieux de vie, où des jeunes pourraient échanger et partager des activités avec elles, ce qui créerait un lien entre deux communautés différentes.

En évoluant, une communauté peut devenir :

•  une masse d’individus, comme un repas de fête où nous ne parlons que quelques instants avec chaque personne, nous laissant l’impression de n’avoir vu personne ;
• ou une somme de relations bilatérales. Ce type de relations peut aussi permettre d’effacer les différences, et elle peut nous permettre de nous lier à une personne par une origine, une histoire, ou même une recette de cuisine.