Chagall est-il le peintre de l’amour ?

L'amour a une place de choix dans la peinture de Marc Chagall. Durant toute la vie du peintre, une jeune femme habite ses tableaux comme son cœur, même par-delà la mort. Explications avec Adèle Van Reeth.

Chagall et les couleur de l'amour

« Dans la vie, comme sur la palette de l’artiste, il n’y a qu’une seule couleur qui donne un sens : c’est la couleur de l’amour ». Ces mots sont du peintre Marc Chagall (1887-1985), qui ne dissocie pas son travail de la personne qu’il aime passionnément. Elle s’appelle Bella Rosenfeld, et dès leur rencontre, en 1909, c’est le coup de foudre. La même année, il peint Ma fiancée aux gants noirs, dans laquelle Bella, l’allure altière et la tenue immaculée, semble inaccessible. Pourtant, six ans plus tard, elle deviendra son épouse, et le modèle privilégié des toiles à venir. Dans l’Anniversaire, peint en 1915, les deux amants, qui fêtent leurs retrouvailles et leur mariage, ne touchent pas terre. Comme si, littéralement chez Chagall, l’amour donnait des ailes ! Dans Les amoureux en vert c’est elle ; dans Les amoureux aux lilas, c’est encore elle, ainsi que dans Les mariés de la tour Eiffel.

Bella Rosenfeld, l'éternelle amoureuse de Chagall

Amante, fiancée, amoureuse et épouse, au fil des ans, l’amour reste intact, mais le style de l’artiste, lui, évolue : la sensualité se transforme en adoration, puis en divinité. « L’art doit être une expression d’amour, ou ce n’est rien », lance celui qui tient l’amour non pour une source d’inspiration, mais pour la raison même de l’art. La mort de Bella et le remariage de l’artiste n’altère en rien ce lien sacré qui unit son cœur et sa peinture. En 1957, soit treize ans après la mort de sa bien-aimée, Chagall peint Les amoureux de Vence, dans lequel le visage de Bella semble se situer hors du temps pour atteindre l’éternité du rêve.