Pourquoi Soutine peignait-il des cadavres d’animaux ?

Précurseur de l’expressionnisme, le peintre d'origine russe Chaïm Soutine s’attache notamment à la représentation de la chair cadavérique d'animaux. Pourquoi une telle insistance pour ces corps morts ensanglantés ? Décryptage avec Adèle Van Reeth.

Chez le peintre Chaïm Soutine (1893-1943), les amateurs de natures mortes sont habitués à voir représentés sur une table dressée un canard déplumé ou un poisson gisant sur un plat, les yeux grands ouverts. Quand Soutine peint un animal, il montre les viscères dégoulinantes et le corps disséqué par un étudiant en médecine. Comme si le peintre cherchait à nous faire crier de dégoût. L'origine de cette fascination pour les cadavres d'animaux remonterait à une scène traumatisante de l'enfance du peintre d'origine russe qui l'aurait laissé sans voix... Le jeune Chaïm aurait vu le boucher du village trancher le cou d’une oie et laisser s’écouler le sang. «Je voulais crier, raconte-t-il, mais l’air joyeux du boucher me nouait la gorge. Ce cri, je le sens encore, et lorsque je peins une carcasse de bœuf, c’est toujours de ce même cri dont je veux me débarrasser. »

L'expressionnisme tourmenté de Soutine

Peindre pour mieux crier pourrait être une bonne définition de ce qu’on appelle l’expressionnisme. Mais il y a aussi une autre raison : Soutine est connu pour la lenteur avec laquelle il exécutait ses toiles, et comme ses modèles - vivants - s’en plaignaient, il se serait tourné vers les animaux morts de l’abattoir à côté duquel il vivait, près de Montparnasse.

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