La nature

Léa est vegan : elle ne veut plus rien manger d’animal. Kamel la provoque : « mais si on arrête de manger des poules, des vaches, qu’est-ce qu’on fait de tous ces animaux ? ». « On les remet dans la nature », avance Léa. « Mais quelle nature ? Ils ne survivraient pas une heure ! ». Qu’est-ce que la nature dans un monde où tout semble dominé par l’homme ?

L'idéal de « l'état de nature »

La nature, c’est deux choses à la fois :

• tout ce qui entoure l’homme et qui n’est pas créé par lui
• mais aussi l’être profond d’une chose : on parle de la « nature de l’homme »

Jean-Jacques Rousseau utilise l’idée d’un « état de nature » pour se demander ce qui caractérise vraiment l’homme. Il imagine un être « primitif », que la culture (au sens de la civilisation) n'a pas encore transformé. La nature serait le contraire de la culture ? Oui, mais attention. Rousseau précise que c’est un scénario imaginaire : « il s’agit de bien connaître un état qui n’existe plus, qui n’a peut-être point existé, qui probablement n’existera jamais ». Retrouver chez l’homme un fond naturel est donc impossible : c’est d’ailleurs ce que dit Kamel lorsqu’il se moque de Léa. « On a toujours mangé des animaux ! », dit-il en avalant son double steak alors que Léa mange son burger au tofu.

Nature et culture

Ce régime vegan serait-il plus proche de la nature comme l'avance Léa ? Pas du tout. Notre besoin de manger est naturel, mais notre façon de manger est toujours culturelle : on trouve de multiples façons d'abattre et de consommer de la viande liée aux cultures ou aux religions, autant que de façons de ne pas en consommer (les bouddhistes, par exemple, sont presque tous végétariens). La nourriture est donc un bon exemple de phénomène où la nature (le besoin vital de se nourrir) et la culture (les codes de chaque civilisation) sont indissociables.

Corine Pelluchon, comme de nombreux philosophes aujourd’hui, propose de dépasser l’opposition nature/culture. La nature ce n’est pas seulement un décor originel dans lequel aurait vécu un être primitif, c’est tout le vivant qui nous entoure, et dont on fait partie : notre environnement. Nous ne devons pas « l’habiter », mais « cohabiter » avec lui. La philosophe nous appelle à considérer autrement cet environnement vivant qui comprend la nature, mais aussi les animaux que nous exploitons de façon inhumaine pour… les manger.

Alors faudrait-il relâcher ces animaux si on ne les mange pas? Pas sûr pour autant : aux États-Unis par exemple, des cochons redevenus sauvages auraient fait décliner les populations d’au moins 247 espèces de plantes et 8 espèces d’oiseaux…

💡 Philosopher, c’est peut-être dépasser les oppositions ?

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