« Le Sang noir » de Louis Guilloux

En 1935, Le Sang noir de Louis Guilloux a raté de peu le prix Goncourt à son époque. Un roman souvent comparé aux grands classiques de la littérature russe.

Un étrange professeur de philosophie

Perdu au milieu d'une multitude de personnages, parmi lesquels des âmes blessées, des simples d'esprits, des hypocrites, des calculateurs et des bienveillants, évolue Cripure, le personnage principal de ce roman. Surnommé ainsi par ses élèves en référénce à Critique de la raison pure d'Emmanuel Kant, qu'il cite souvent lors de son cours. Ce pauvre professeur souffre d'un déficit d'autorité sur ses étudiants. Rien n'arrête leurs railleries et leur chahut. Moqué et persécuté par ses élèves, il est également calomnié par ses collègues professeurs. Car Cripure intrigue ou fait peur. Il n'a pas la prestance d'un professeur de lycée, sa compagne est une ancienne prostituée analphabète, il possède 4 chiens et travaille dans un bureau sombre et humide dans une cave. Vétu d'une peau de bique et d'un gilet tâché, il fait penser à un orang-outang avec sa petite tête, ses bras trop longs et ses grands pieds. Guilloux parle de Cripure comme d'un homme lucide étouffé par son chagrin. Car tout remonte à sa lointaine rupture avec Toinette, la seule femme qu'il ait vraiment aimée et à laquelle il pense tous les soirs.

La critique sociale, un genre sans cesse renouvelé

Un jour, un de ses anciens étudiants se présente devant lui en lui disant qu'il a été pour lui bien plus qu'un simple professeur. L'ancien élève présente à Cripure un livre : le seul qu'il ait jamais écrit, sa thèse sur un obscur poète et philosophe mais qui aura au moins eu un lecteur. Mais à quoi bon ? Protestation sociale hantée par le mal et la mort, Le sang noir renouvelle le roman populaire, trois ans après la publication de Voyage au bout de la nuitde Louis-Ferdinand Céline.