Inondations : les risques des laves torrentielles

Après la catastrophe qui est survenue à La Bérarde, des experts reviennent sur les lieux pour mieux comprendre le phénomène. Un lac glaciaire peut-il être à l'origine de tant de dégâts ?

Que s'est-il passé à La Bérarde ?

Pour comprendre ce qui a pu se passer, l’État a lancé une enquête sur le terrain et a dépêché sur place son service spécialisé : le RTM (le service de restauration des terrains de montagne) dont fait partie Pierre Verry. En surplombant les lieux, on comprend mieux comment le torrent a fini par traverser le hameau. Il faut imaginer qu’avant, le torrent partait à droite. Pendant l’événement, il a décidé d’aller tout droit. Le torrent qu’on voit ici aujourd’hui ne se trouvait pas là avant la catastrophe. Les blocs ont bouché un pont à cet endroit précis, ce qui a complètement modifié le lit de la rivière et changé la géographie des lieux. C’est pour ça que le torrent s’est mis à traverser le village. On voit même apparaître aujourd’hui une chute d’eau que tu ne risques pas de trouver sur une vieille photo de La Bérarde. Tout a été recreusé et ça a créé cette cascade qui doit faire près de 20 m de haut, qui n’existait pas avant l’événement.

C'est comment maintenant la Bérarde ?

Pierre Verry remonte le torrent jusqu’en haut de la montagne pour y voir un peu plus clair. L’objectif est de rejoindre la partie haute du bassin versant pour essayer de mieux comprendre ce qu’il se passe là-haut. Tu dois te demander comment un si petit filet d’eau a pu avoir un tel effet. Le torrent principal de La Bérarde s’appelle Les Etançons. Quand on le remonte, on arrive à un embranchement. Sur la droite des Etançons, il y a un petit affluent. Si tu y retournes aujourd’hui, voilà ce que tu découvriras au même endroit : c’est par ce petit affluent que tous les petits cailloux sont arrivés. Ce qui était un petit torrent de montagne est devenu ce paysage lunaire en quelques heures. Le torrent a creusé avec la force de l’eau jusqu’à 14 m et il a pris 300 000 m3 de matériaux, soit 30 000 camions de cailloux.

C'est quoi un glacier noir ?

Le glacier de Bonne Pierre est un glacier noir car on voit la glace en dessous mais il est recouvert par des cailloux. C’est lui le responsable, un glacier à 3 000 m d’altitude. Mais ça n’explique toujours pas ce qu’il s’est passé le soir de l’orage. Le glacier ne s’est pas décroché, sinon, on aurait retrouvé de la glace dans le village. Pierre Verry n’est pas le seul membre du RTM sur place. Un hélicoptère a aussi été envoyé pour analyser la structure du glacier noir. Il fait des acquisitions radars. Avec l’engin qu’on voit sous l’hélicoptère, des ondes sont émises qui traversent le glacier avec l’objectif de mesurer l’épaisseur de glace sous cette roche. Ce radar dernière génération est arrivé spécialement de Suisse. Il n’avait jamais encore survolé un glacier français. Ce qui intéresse les chercheurs, c’est une cavité. C’est là que la cause de la catastrophe va être identifiée.

Un lac sur un glacier, c'est possible ?

On sait qu’il y a eu beaucoup de pluie, beaucoup de cailloux, mais on sait aussi qu’il y avait sur ce glacier la présence d’un lac. Que faisait un lac sur un glacier ? Si tu regardes toutes les cartes de la région, aucune ne fait mention d’un lac à cet endroit ! Le caillou orange était le bord du lac. Il faut imaginer une réserve d’eau gigantesque sur tout cet espace : plus d’un hectare ! Quand le lac s’est vidangé, toute l’eau du cirque de Bonne Pierre est sortie par ce trou. C’est ça qui a généré cette catastrophe sur La Bérarde. Un lac glaciaire posé sur un glacier, c’est un phénomène totalement inhabituel. Celui-là est apparu en 2016. Il n’était pas très grand et il se vidait petit à petit pendant l’été. Personne n’a imaginé qu’il pourrait grossir autant, se vider d’un coup et causer une telle catastrophe.

C'est quoi de la lave torrentielle ?

Le soir de l’orage, le lac s’est vidé brutalement. L’immense masse d’eau est venue creuser la montagne juste en dessous et a déplacé des tonnes de blocs de pierre qui sont venus grossir un torrent déjà en crue à cause de l’orage. C’es devenu une lave torrentielle qui a créé un bouchon. La force du phénomène a dévié le lit de la rivière. La lave torrentielle a donc dévasté le centre de La Bérarde. Ce lac, les habitants n’en découvrent pas l’existence aujourd’hui. Beaucoup de randonneurs l’avait remarqué. Il a même été pris en photo deux jours seulement avant la catastrophe par un groupe d’alpinistes.