Le coup de Prague

Le 25 février 1948, 200 000 personnes sont réunies devant l'Hôtel de ville de Prague, en Tchécoslovaquie. Le Premier ministre, Klement Gottwald, annonce à la foule la prise de contrôle du pays par le Parti communiste. Au terme d’un coup politique mené avec le soutien de l’URSS, le rideau de fer vient de s’abattre sur la Tchécoslovaquie, dernière enclave démocratique en Europe de l’Est.

La Tchécoslovaquie, une démocratie convoitée

En 1918, après la Première Guerre mondiale, l’empire d’Autriche-Hongrie se disloque et donne naissance à un nouvel État démocratique : la Tchécoslovaquie. Mais en 1938, l’indépendance du pays est fragilisée. Lors des accords de Munich, Adolf Hitler prend possession de la région des Sudètes, dans l’ouest de la Tchécoslovaquie. Puis, quelques mois plus tard, en 1939, c’est tout le pays qui est envahi par les Allemands, puis occupé durant la Seconde Guerre mondiale. En 1945, les chars de l’Armée rouge libèrent la Tchécoslovaquie, après 6 ans d’occupation nazie. La démocratie est officiellement rétablie, et les soviétiques sont acclamés en héros.

La Tchécoslovaquie divisée face à la doctrine Jdanov

En 1946, bénéficiant d’une nouvelle popularité, le Parti communiste tchécoslovaque remporte les élections législatives. Le pro-soviétique Klement Gottwald est nommé Premier ministre et compose un gouvernement de coalition où tous les partis sont représentés. Mais les ministres démocrates ou conservateurs ont bien du mal à se faire entendre face aux communistes. En 1947, le Parti communiste tchécoslovaque se place officiellement sous la tutelle de Moscou, en adoptant la doctrine Jdanov. Cette idéologie divise le monde en deux blocs ennemis :

• d’un côté, les nations capitalistes menées par les États-Unis
• de l'autre, les pays socialistes sous la tutelle de l'URSS

Alors qu’en deux ans, Staline a fait main basse sur la majeure partie de l’Europe de l’Est, Prague tarde à basculer...

Coup de Prague : un coup d'État déguisé par l'URSS

Le 20 février 1948, 11 ministres non communistes - soit près de la moitié du gouvernement - démissionnent en bloc. Ils espèrent provoquer de nouvelles élections et rétablir l’équilibre entre les partis au pouvoir. Mais les Communistes sautent sur l’occasion pour prendre le contrôle total du pays. Durant cinq jours, le PC orchestre des grèves massives et de grandes manifestations dans les rues de Prague. Les milices ouvrières, qui défilent avec des fusils, dissuadent toute réaction des opposants.
Le 25 février, Edvard Beneš, le président de la République, est contraint d’accepter la démission des ministres non communistes. Au balcon de l’hôtel de ville de Prague, Gottwald annonce la nouvelle à une foule acquise à sa cause.

Fin de la démocratie en Tchécoslovaquie

Durant l'année 1948, la presse est muselée, les opposants sont emprisonnés ou envoyés aux travaux forcés. Jan Masaryk, le ministre des Affaires étrangères, meurt dans des circonstances suspectes. Au mois de mai, les élections législatives, tenues sans opposition, sont une formalité pour le PC qui obtient 90% des voix. En juin, Klement Gottwald devient Président et une nouvelle constitution fige le monopole des communistes en Tchécoslovaquie. Ce « putsch légal », réalisé sans l’aide de l’armée ni même un seul coup de feu, marque un durcissement de la guerre froide.

Durcissement de la guerre froide

Sur la scène internationale, le coup de Prague fait l’effet d’une bombe. En pleine guerre froide, la prise de contrôle de la Tchécoslovaquie est un tour de force pour Staline, et un coup dur pour le bloc de l’ouest. En avril 1949, en réponse, l’OTAN, l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord est fondée. Les États-Unis forment, avec onze autres pays dont la France, une alliance de défense collective pour contrer la menace soviétique. Si l'un des membres est attaqué, les autres viendront en soutien.
► La Tchécoslovaquie, elle, s'enfonce dans une longue période sombre sous le joug de l’URSS. En 1968, un vent de révolte souffle sur le pays durant le printemps de Prague. Mais le mouvement est écrasé par l'invasion militaire soviétique. Il faut attendre 1989 et la révolution de velours, pour que s’amorce enfin le retour de la démocratie en Tchécoslovaquie, après 40 ans de domination soviétique.

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