Des rescapées de Birkenau racontent leur chance et le hasard

Survivantes de l'enfer, elles témoigent de ce qu'elles ont vécu. Chance ou hasard, elles racontent comment elles ont frôlé la mort.

Ginette Kolinka, une histoire de gourmandise

Quand j’ai été arrêtée, j’ai faibli devant la gourmandise. Quand mes sœurs m’ont appelée pour me dire qu’il y avait un rôti de veau, moi je ne voulais pas y aller pour maigrir, mais quand j’ai entendu ça, j’y suis allée. La gestapo était là. Si je n’étais pas allée manger, je ne me serais peut-être pas fait arrêter ou alors ça aurait été pire. La gestapo venait à l’étalage où nous étions et ramassait toute la famille. N’ont été pris que ceux qui étaient à la maison alors je me dis que c’est de la chance.

Isabelle Choko, le choix de prendre à gauche

Il a fallu des miracles pour qu’on reste vivantes. Le premier miracle, c’était à Auschwitz. Quand je suis arrivée là-bas et qu’il y avait cette horreur de bruit à la gare : les coups de feu, les cris, quand on séparait les femmes et les enfants. C’était à la rampe.  À côté de moi, il y a un homme qui s’est approché, on n’avait pas le droit de parler, parce que les nazis tiraient dans le tas. Dès que quelque chose bougeait, ils tiraient. J’étais encore avec ma maman. Ce monsieur a baissé la tête et m’a dit en polonais de faire attention. Il m’a dit : tu vois, au bout du quai il y a une sélection : à gauche, c’est la vie, à droite, c’est la mort. N’oublie pas d’aller à gauche. On a marché le long des rails et au bout, j’ai vu qu’il y avait une sélection. Il ne m’avait pas raconté d’histoires. Je me suis dit que j’étais la seule à savoir ça. Je ne savais pas comment faire pour dire ça à tout le monde. Il fallait que je le dise. J’ai pris la main de ma mère, j’ai avancé aussi vite que j’ai pu pour que le maximum de femmes puissent m’entendre. Je baissais la tête et je disais : allez à gauche, allez à gauche…J’ai dit ça jusqu’au bout et on est allées à gauche. Ma mère est restée un petit moment entre deux salopards de nazis mais je l’ai tirée par la main. Il y avait une telle foule derrière que je l’ai emmenée avec moi et on est parties toutes les deux.