Torturée par Barbie, une résistante témoigne

En mai 1987, la résistante française Lise Lesèvre, âgée de 86 ans, vient témoigner au procès de celui qui l'a arrêtée puis torturée en mars 1944 à Lyon : Klaus Barbie, chef de la Gestapo de la région lyonnaise, jugé pour crimes contre l'humanité.

Absence de Barbie aux audiences des témoins

Le 15 mai 1987, le procès de Klaus Barbie jugé à Lyon pour crimes contre l’humanité reprend en l’absence de l’accusé. Ce dernier a invoqué son droit à ne pas participer aux audiences. Celles et ceux qui ont eu affaire physiquement au « boucher de Lyon », entre 1942 et 1944, arrivent au palais de justice de Lyon pour témoigner des actes de torture qu’ils ont subis.

Lise Lesèvre, arrêtée et torturée par Klaus Barbie

Alors qu’elle est à la gare de Lyon pour une mission, la résistante Lise Lesèvre est arrêtée le 13 mars 1944 par trois hommes de la Gestapo locale dirigée par Klaus Barbie. Ce jour-là, elle est malheureusement chargée de nombreux papiers compromettants. Emmenée à la prison de Montluc avec d’autres personnes également raflées, Lise Lesèvre va vivre plusieurs jours de tortures. D'abord, elle est pendue par les poignets avec des menottes contenant des griffes à l’intérieur.

Quand on me posait une question et que je ne répondais pas, on serrait les menottes. C’était infiniment douloureux, j’avais l’impression que mes ongles allaient tomber.

Comme, je n’ai pas parlé, Barbie a lancé une menace : nous allons chercher ton mari et ton fils. Et devant eux, tu parleras !

Lise Lesèvre, résistante.

Moins d’une heure plus tard, Lise Lesèvre voit arriver son mari et son fils de 16 ans et demi. « Nous avons pu nous dire courage mutuellement, mais cette situation a été terrible pour moi quand je les ai vus devant moi », confesse-t-elle.

Face à la résistance de Lise, les actes de torture prennent d'autres formes. On la déshabille brutalement et l'oblige à entrer dans une baignoire. « Une grande brute me pinçait le nez, et une autre, armée d’une vieille boîte à biscuits rouillée, m’a versé de l’eau dans la bouche ». Puis, vient le dernier interrogatoire de Lise. C’est là qu'ils m’ont abimé la colonne vertébrale et tout le système osseux ». Devant la cour d'assises de Lyon, Lise Lesèvre fait le récit de cette énième torture, celle-ci perpétrée par Klaus Barbie en personne.

Ça s'est passé dans une pièce nue avec, au milieu, une chaise garnie de chaînes. On m’a fait mettre à plat ventre sur celle-ci. On a attaché mes poignets d’un côté, mes genoux de l’autre. Barbie a manié devant moi un fouet avec, au bout du manche, une boule hérissée de pointes. Il y avait un grand ressort qui commandait la boule. Puis, il s’est servi de l’instrument pour me fracasser le dos. En même temps, il m’interrogeait sur certains noms de personnes. Et je lui répondais inlassablement que je ne les connaissais pas.

Barbie a fini par s'impatienter et a dit à ses hommes : « Je ne veux plus la voir. Liquidez-moi ça ! ». Ça… c’était moi.

Lise Lesèvre, résistante.

Premiers témoignages publics des tortures

Face au bouleversant témoignage de Lise Lesèvre, « on était saisi, se souvient Alain Jakubowicz, avocat des parties civiles. Au procès, Lise et d'autres femmes ont livré des récits douloureux qu’elles n’avaient jamais dits à personne. Dans la salle, il y avait souvent leurs enfants, et leurs petits-enfants, qui entendaient pour la première fois leur mère, leur grand-mère raconter des choses qui touchaient à leur propre intimité ». De manière générale, en France, c'était aussi la première fois que des gens témoignaient publiquement des tortures qu’ils avaient vécues. « Une montagne d’émotion nous tombait dessus », raconte Noëlle Herrenschmidt, aquarelliste reporter lors du procès Barbie.

👉 Découvre les autres extraits du documentaire Le procès de Klaus Barbie.